La promesse de Pointe-à-Pitre
C’est en Haïti que le président français François Hollande achève aujourd’hui son voyage dans les Caraïbes commencé le week-end dernier. Dimanche, en Guadeloupe, il a lâché une phrase qui suscite maintenant beaucoup d’attentes à Port-au-Prince.
À Pointe-à-Pitre, le soleil tape fort ce dimanche. Devant le Centre caribéen d’expressions et de mémoire de la traite et de l’esclavage, François Hollande doit prononcer le grand discours de clôture des cérémonies d’inauguration du Mémorial. Accablé par la chaleur, le public n’offre plus que des mous
applaudissements polis. Une phrase du président français le fait néanmoins sortir de sa torpeur et vaut à son auteur la seule ovation debout de la journée. «Quand j’irai en Haïti, lance le chef d’État, j’acquitterai à mon tour la dette que nous avons.» La déclaration cueille tous les dignitaires présents par surprise et déclenche aussitôt toute une frénésie sur les réseaux sociaux. Que vient donc de promettre François Hollande aux Haïtiens? Le malentendu semble total.
En effet, depuis plusieurs années, Haïti réclame à la France le remboursement de l’écot dont il dut s’acquitter pour faire reconnaître son indépendance. Dans un monde alors encore régi par des lois coloniales et esclavagistes, Haïti a dû verser à son ancienne puissance de tutelle l’équivalent de 17 milliards d’euros (presque 23 milliards $). Pour bien des gens, dans la petite république des Caraïbes, cette somme constitue la pauvreté originelle du pays et ils soutiennent que son remboursement intégral permettrait de relancer son économie.
INCOMPRÉHENSION
Mais très vite, les conseillers du président français se sont empressés de réajuster le tir: il n’a jamais été question de compensation financière. Ce que confirmera ensuite François Hollande lui-même au président haïtien Michel Martelly et à la secrétaire générale de la Francophonie Michaëlle Jean, tous deux présents à Pointe-à-Pitre. La dette, il l’a d’abord envisagée comme morale. Elle commet la France et l’oblige au développement d’Haïti. C’est donc sans doute un partenariat renouvelé qu’il va annoncer à Port-au-Prince. Un recadrage de discours qui déçoit bon nombre d’Haïtiens qui l’ont exprimé sur les réseaux sociaux.
Maladresse oratoire qui retient le plus l’attention dans un discours qui était pourtant puissant avec sa reconnaissance franche du tort irréparable subi par les peuples noirs durant l’esclavage. Comme souvent, c’est dans la confrontation du passé que les présidents français inscrivent leur nom dans l’histoire. Tel a été le cas avec Jacques Chirac quand il a reconnu la responsabilité de l’État français dans la déportation des Juifs.
En Guadeloupe, avec force, François Hollande n’a laissé aucune place ni aux ambiguïtés ni aux tergiversations pour assumer la monstruosité de cette traite d’humains érigée en système d’État. Faisant ensuite un lien avec les «négriers» des temps modernes, il a engagé son pays et le monde à lutter plus fermement contre les passeurs exploitant la détresse des migrants, les terroristes répandant les souffrances dans le monde et les inégalités menant ces dénis de la dignité humaine. Si l’engagement est honoré, ç’aura été la plus noble concrétisation de la promesse de Pointe-à-Pitre.
Comme souvent, c’est dans la confrontation du passé que les présidents français inscrivent leur nom dans l’histoire