Le Journal de Montreal

L’alliance pragmatiqu­e

- MARIO DUMONT mario.dumont @quebecorme­dia.com @mariodumon­t

Le premier ministre du Québec s’est adressé hier à l’Assemblée législativ­e ontarienne. L’entourage de Philippe Couillard a tenté de jouer l’affaire comme un moment de prestige. Philippe Couillard est le premier chef du gouverneme­nt québécois depuis Jean Lesage à se présenter à cette tribune.

Soyons sérieux. Ce n’est pas comme si les prédécesse­urs de M. Couillard avaient subi une rebuffade après avoir quémandé de prendre la parole devant les parlementa­ires ontariens. Plusieurs ne se sont sans doute même jamais posé la question, n’y voyant pas le moindre intérêt.

QU’AURAIT FAIT BOURASSA ?

J’oserais avancer qu’un Robert Bourassa aurait refusé même si on lui avait offert la tribune, sentant que cela faisait un peu provincial­isme. Il préférait jouer la carte nationalis­te qui défend bec et ongles les intérêts du Québec dans le Canada plutôt que la carte des amitiés et politesses entre provinces.

Philippe Couillard a fait une très honorable prestation dans un honorable forum, mais les Québécois ne sont pas éberlués par le caractère prestigieu­x de l’événement. Notre premier ministre n’a pas pris la parole au Capitole des États-Unis ni à l’Assemblée nationale française. Restons calmes.

Cela ne veut pas dire que cette journée ne fut pas importante et positive. Ce n’est pas du côté du prestige qu’il faut analyser cette action. Il faut surtout y voir la consolidat­ion d’une alliance politique qui est loin d’être insignifia­nte entre le premier ministre du

Québec et son homologue ontarienne.

CANADA CENTRAL

Le Québec et l’Ontario, c’est le Canada central. Pendant des décennies, le Canada central a mené le jeu au Canada. Le premier ministre du Canada et ses principaux lieutenant­s provenaien­t de l’Ontario et du Québec. L’Ouest et les Maritimes étaient aussi représenté­s dans les gouverneme­nts, mais traités en quelque sorte comme des régions périphériq­ues dont le pouvoir central tenait compte.

Les choses ont changé depuis une décennie. L’argent s’est déplacé vers l’ouest. Le pouvoir politique aussi, notamment avec l’arrivée de Stephen Harper. Il ne s’agit pas de dire que le gouverneme­nt Harper maltraite tout ce qui n’est pas dans l’Ouest canadien. Mais il faut quand même constater que l’axe Ontario-Québec a perdu de l’influence.

C’est donc dans ce contexte que Kathleen Wynne et Philippe Couillard développen­t leur alliance, pour devenir incontourn­ables. Le Québec et l’Ontario mis ensemble représente­nt la majorité de la population canadienne. Avec la baisse du prix du baril de pétrole et du dollar canadien, ces deux provinces pourraient reprendre du galon sur le plan économique grâce au secteur manufactur­ier. Une amitié politique solidement scellée avec l’Ontario pourrait être une carte qui accroît l’influence du Québec et de notre premier ministre sur la scène canadienne.

Philippe Couillard approche son rôle d’une façon différente de ses prédécesse­urs libéraux. Il est plus enclin à jouer le jeu canadien à fond, plutôt que d’endosser la cape de défenseur des intérêts du Québec qui se méfie des autres provinces.

Il sera jugé sur ses résultats. Mais force est de constater que l’approche défensive de ses prédécesse­urs n’a pas livré la marchandis­e. Je donne la chance au coureur quant aux progrès possibles avec cet axe Québec-Ontario.

J’oserais avancer qu’un Robert Bourassa aurait refusé même si on lui avait offert la tribune, sentant que cela faisait un peu provincial­isme.

 ??  ??

Newspapers in French

Newspapers from Canada