Le Journal de Montreal

Le Québec croit-il en l’éducation ?

- MATHIEU BOCK-CÔTÉ mathieu.bock-cote @quebecorme­dia.com @mbockcote

Le Journal a publié une série d’articles sur l’éducation en Ontario. Surprise! Il existerait un modèle ontarien pour lutter contre le décrochage scolaire.

Ainsi, on prête davantage attention aux enfants des milieux défavorisé­s. On valorise aussi la filière profession­nelle – autrement dit, on ne la présente pas comme la voie de sortie pour les ratés. C’est très bien.

LE RÔLE DES PARENTS

Mais une question demeure dans l’ombre: celle du rôle des parents. Et plus largement, de la valeur que nous accordons à l’éducation au Québec. Si tant d’enfants décrochent, c’est aussi parce que leurs parents les laissent faire. Ou du moins, parce qu’ils ne les ont pas suffisamme­nt convaincus de l’importance de l’école.

Ne soyons pas surpris: c’est la culture québécoise elle-même qui ne croit pas suffisamme­nt à l’éducation.

Cela vient de loin. On aime se faire croire aujourd’hui que le Québec est une société normale. On se souvient bien évidemment d’avoir été un peuple conquis, «porteur d’eau, scieur de bois, locataire et chômeur en son propre pays», pour emprunter les mots de Félix Leclerc. Mais nous sommes convaincus que tout cela est de l’histoire ancienne. Les vieilles blessures seraient guéries. C’est bien évidemment faux.

On le voit dans notre rapport à la langue. Pourquoi se cacher que nous la parlons très mal? Pire encore: nous nous en faisons souvent une fierté. À celui qui s’efforce de parler rigoureuse­ment notre langue, on dira qu’il singe les Français. Un peuple étranger à sa propre langue, et plus encore, à la littératur­e géniale qui la distingue dans le monde, est condamné à la pauvreté culturelle.

Elles sont encore aujourd’hui nombreuses les histoires tristes entourant notre rapport aux arts et lettres. Souvent, la jeune personne qui se passionne pour la littératur­e sera considérée de manière suspecte. Ne risque-t-elle pas de pelleter des nuages et de s’éloigner des vraies affaires? Nous traitons la culture comme un supplément d’âme agréable, mais certaineme­nt pas comme une nécessité vitale.

RÉSISTANCE AU CHANGEMENT ?

J’en entends plusieurs blâmer la résistance des enseignant­s au changement. Ils seraient bornés et ne voudraient pas s’adapter aux nouvelles difficulté­s scolaires. Nuançons. Leur tâche est presque impossible. Car les enfants qu’on leur livre sont souvent difficiles à instruire. En bonne partie parce qu’ils n’ont pas reçu à la maison la discipline nécessaire à l’éducation. En classe, ils chahutent et, souvent, ils insultent l’enseignant.

Et quand l’enseignant les réprimande, il risque beaucoup. On l’accusera de ne pas être assez compréhens­if. Sa direction ne le soutient pas toujours. Et il sait qu’un parent peut se pointer dans sa classe après les cours pour l’engueuler de ne pas s’agenouille­r devant sa géniale marmaille. Il était une fois un autre monde où l’enseignant se savait soutenu par les parents. Il est bien révolu, ce temps.

On en revient à l’Ontario. On s’inspirera comme on veut de ses méthodes de lutte contre le décrochage scolaire. Il n’y a pas de mal à s’inspirer du voisin. Mais le changement doit être plus profond. C’est au fond de nous-mêmes que la révolution reste à faire.

Si nous ne croyons pas que l’éducation est la chose la plus importante au monde, nous ne progresser­ons jamais vraiment.

Ne soyons pas surpris : c’est la culture québécoise ellemême qui ne croit pas suffisamme­nt à l’éducation.

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