Le Journal de Montreal

La figure obligée

- JOSÉE LEGAULT josee.legault @quebecorme­dia.com @joseelegau­lt

Décomplexé, le fédéralism­e de Philippe Couillard rappelle celui de Jean Charest. De toute cette effervesce­nce libérale sur le front Québec-Canada, de la Révolution tranquille à l’Accord du lac Meech, il ne reste en effet plus grandchose.

Sauf pour la figure obligée qu’est devenu cet appel timide à une éventuelle reconnaiss­ance du Québec au sein du Canada. Une figure cependant limitée aux campagnes électorale­s et aux visites hors Québec.

C’est donc sans surprise que M. Couillard le reprenait hier devant l’Assemblée législativ­e ontarienne. Premier chef de gouverneme­nt du Québec depuis Jean Lesage à y être reçu, son appel à un «acte de reconnaiss­ance à la fois fort et enthousias­te» demeurait sibyllin.

En campagne électorale, le chef libéral disait pourtant vouloir convaincre Justin Trudeau de reconnaîtr­e le caractère distinct du Québec dans la Constituti­on. Depuis l’élection, comme M. Charest avant lui, il attend plutôt de voir le «fruit» constituti­onnel mûrir par luimême. Rendez-vous à la semaine des quatre jeudis.

M. Couillard a beau affectionn­er l’expression «États fédérés» parce qu’elle fait moins «provincial­e», la réalité politique du Québec ne l’est pas moins pour autant.

En fait, un seul consensus unit les formations politiques fédéralist­es au pays depuis le référendum de 1995: aucun gouverneme­nt canadien ne se fera reprendre à «ouvrir» la constituti­on pour y reconnaîtr­e le Québec.

Pourquoi Philippe Couillard, à quelques mois d’une élection fédérale, fait-il semblant de bomber le torse?

ALICE AUX PAYS DES MERVEILLES

Comme pour Meech, l’exercice serait voué à l’échec. Ce qui, à nouveau, alimentera­it le mouvement souveraini­ste. Aucun leader politique au pays n’a le moindre intérêt à rejouer dans le même film d’horreur.

Pour les libéraux du Québec, c’est un principe de réalité qu’ils comprennen­t fort bien.

Alors, pourquoi Philippe Couillard, à quelques mois d’une élection fédérale, fait-il semblant de bomber le torse en reprenant son appel qu’il sait pourtant inutile? Essentiell­ement pour consommati­on «intérieure». De Toronto, il parlait en fait à l’électorat québécois.

De son côté, le ministre des Affaires intergouve­rnementale­s, Jean-Marc Fournier, préfère reprendre sa formule préférée face à ses adversaire­s péquistes. Les disant «déconnecté­s» depuis qu’ils parlent un peu plus de souveraine­té, il aime bien dire que le PQ «a élu résidence sur la comète Tchouri».

Les libéraux ne sont pourtant pas exempts eux-mêmes de fantasmes politiques possibleme­nt inatteigna­bles. Leur appel factice à une reconnaiss­ance «formelle»

des merveilles? du Québec par le Canada n’a-t-il pas quant à lui toutes les allures d’une longue visite d’Alice aux pays

LA RESPONSABI­LITÉ OUBLIÉE

À Toronto, M. Couillard soulignait aussi avec justesse le 400e anniversai­re de la «présence francophon­e» en Ontario. «Comme premier ministre du Québec», il rappelait même son «rôle primordial de chef d’État de la seule société à majorité francophon­e d’Amérique».

Une «grande responsabi­lité», disait-il. De fort jolies paroles. En fait, il s’ajoute à la plupart de ses prédécesse­urs qui, depuis vingt ans, se refusent à renforcer une loi 101 affaiblie qui en aurait bien besoin.

La semaine dernière, sa ministre responsabl­e du dossier, Hélène David, brillait même par son absence au dévoilemen­t à Québec d’un monument à Camille Laurin, le «père» de la loi 101.

Honteuse, cette absence en disait plus long sur cette responsabi­lité oubliée que le beau discours du premier ministre à Toronto.

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