Un trône dans la mire
L’ex-chef intérimaire de la mafia de Montréal et ses lieutenants veulent reprendre leur place
Une nouvelle lutte de pouvoir risque d’éclater au sein de la mafia montréalaise car l’ancien chef intérimaire et ses deux lieutenants entendent reprendre leur place au sommet en sortant du pénitencier.
«Nous voulons reprendre le contrôle», ont déjà fait savoir Francesco Arcadi, Lorenzo Giordano et Francesco Del Balso à la nouvelle table de direction du crime organisé italien formée à la suite du décès du parrain Vito Rizzuto, a appris Le Journal.
Selon plusieurs sources, les trois hommes incarcérés depuis l’opération Colisée de 2006 transmettent des messages clairs au nouveau chef présumé des opérations de la mafia à Montréal, Stefano Sollecito, depuis quelques semaines. Et ce, même si le trio ne sera libéré qu’entre décembre et février prochains.
ÉTINCELLES À PRÉVOIR
D’après nos informations, un conflit de générations se dessine entre ces vieux routiers à la réputation de durs et la nouvelle garde mafieuse, dont le règne est marqué par l’accalmie et le partenariat avec les autres groupes du crime organisé.
«Francesco Arcadi n’a pas toujours fait l’unanimité au sein de la mafia, a rappelé Pierre de Champlain, ex-analyste du renseignement à la GRC. Il était moins subtil dans sa façon de régler des problèmes qu’un médiateur comme Vito Rizzuto. S’il entend reprendre le contrôle, on peut s’attendre à des étincelles.»
Calabrais d’origine, celui qu’on surnomme «Compare Franco» avait fait ses classes dans le clan Cotroni avant de devenir un «soldat loyal» du clan Rizzuto.
«Quand Vito Rizzuto a été emprisonné, Arcadi a été nommé street
boss, chargé des opérations, de la discipline et des soldats de rue. Il était loyal et il aurait fait n’importe quoi pour les Rizzuto», a ajouté M. de Champlain, auteur de plusieurs livres sur la mafia et le crime organisé.
L’ARGENT DU « LIVRE »
Le retour escompté d’Arcadi et de sa bande risque toutefois d’être parsemé d’embûches.
Arcadi et ses deux fidèles lieutenants convoiteraient notamment «le livre», soit le document où sont consignés les revenus de tous les paris illégaux contrôlés par la mafia. Son détenteur possède aussi le butin provenant de ce racket traditionnel.
Avant leur emprisonnement, «le livre» était détenu par les lieutenants d’Arcadi, soit Lorenzo «Skunk» Giordano et Francesco «Chit» Del Balso. Il est ensuite passé entre les mains de Roger Valiquette, assassiné à Laval en décembre 2013.
Aujourd’hui, «le livre» est entre les mains de Stefano Sollecito, appelé «La Sauce» dans le milieu, car il brasse les affaires de la mafia comme on brasserait une sauce.
Sollecito – dont le père Rocco, fidèle allié du défunt parrain Rizzuto, siège à la table en tant que médiateur – envoie d’ailleurs toujours de l’argent au trio emprisonné afin de soigner ses relations.
MALADIE ET RANCUNE
Mais Stefano Sollecito combat depuis plusieurs mois un cancer. Et son style flamboyant – les policiers de l’escouade Éclipse du SPVM l’ont souvent vu au volant d’une Lamborghini blanche aux jantes dorées sur l’avenue Bernard, dans Outremont, ou dans des bars branchés du Vieux-Montréal – ne plairait pas à la vieille garde.
Des sources mentionnent également que la famille Rizzuto a toujours blâmé le Calabrais Arcadi pour l’éclatement du syndicat italien du crime organisé au milieu des années 2000.
«Arcadi et son crew étaient imprudents. Ils parlaient trop au téléphone. C’est à cause de lui si la GRC avait tant d’accès aux secrets de la famille pendant l’opération Colisée», a affirmé l’une d’elles.