Le Journal de Montreal

Seuls face à notre conscience

- richard Martineau richard.martineau@quebecorme­dia.com

Je ne sais ce qui a poussé François Bugingo à agir comme il l’a fait et à trahir la confiance de ses employeurs, de ses proches et de ses amis.

(En passant, les gens qui se disent «amis» avec François Bugingo l’ont-ils déjà été? Ils étaient amis avec une personne qui, en fait, n’existait pas, une personne qui n’a pas hésité une seconde à leur mentir en pleine face et à les foutre dans la merde pour faire avancer sa carrière… Peut-on encore parler d’un ami dans une telle situation? Je pose la question…)

LA MAJORITÉ HONNÊTE

Mais il y a une chose que je sais: François Bugingo n’a qu’une seule et unique personne à blâmer pour ses déboires et c’est lui-même.

Oui, c’est vrai, on mise beaucoup sur les stars, dans le monde des médias. Oui, c’est vrai, certains journalist­es pigistes manquent d’encadremen­t, ils ont peur d’être mis de côté par leurs clients s’ils ne sortent pas des scoops toutes les deux semaines…

Mais TOUS les journalist­es subissent ces pressions. TOUS les journalist­es évoluent dans ce monde, dans cette culture.

Or, malgré ça, 99 % d’entre eux choisissen­t en toute connaissan­ce de cause de demeurer honnêtes. Ras-le-bol des justificat­ions. «Il a volé, mais il tirait le diable par la queue…»

«Il a triché pour gagner la compétitio­n, mais il faut le comprendre, on vit à une époque obsédée par la performanc­e…»

La grande majorité des pauvres sont honnêtes. Et la grande majorité des athlètes sont propres.

En fait (et c’est assez remarquabl­e, quand on y pense), la très grande majorité des gens, quels qu’ils soient, respectent les lois.

C’est une décision qu’ils prennent volontaire­ment, jour après jour.

Ils se lèvent, se regardent dans le miroir et se disent: «Aujourd’hui, comme hier, je ne prendrai pas de raccourcis pour me rendre où je veux aller. Je vais jouer clean. Je vais être une bonne personne.»

CONSCIENCE, CONFIANCE

En janvier, je suis allé couvrir les suites de l’attentat contre Charlie

Hebdo pour Le Journal, à Paris. J’aurais pu inventer des histoires croustilla­ntes.

Dire que j’ai vu des musulmans en train de brûler des exemplaire­s de

Charlie Hebdo dans une petite rue. Ou des membres de l’extrême droite taper sur des Arabes.

Personne n’aurait pu savoir si je mentais ou non.

Ç’aurait été extraordin­aire, tout le monde aurait parlé de mon papier. Il aurait peut-être fait le tour du monde!

Mais je n’ai rien inventé. J’ai raconté ce que j’ai vu, point.

Je n’ai trahi la confiance de personne. Mais, surtout, je n’ai pas trahi ma conscience, je n’ai pas trahi mes principes. C’est ça, l’essentiel.

Si je ne vole pas, ce n’est pas parce que j’ai peur de me faire pincer par la police et d’aller en prison. C’est parce que je juge que c’est la bonne chose à faire.

Chaque jour, on prend des décisions morales. Ces décisions impliquent notre conscience et nous. Personne d’autre.

Si l’on se fie à ce qu’on a pu lire ces derniers jours, François Bugingo a pris de très mauvaises décisions. Il les a prises seul. Et il devra faire face aux conséquenc­es seul.

Chaque jour, des gens prennent la décision d’être honnêtes...

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