Un héritage caché à un traumatisé crânien
Une fortune destinée au fils handicapé d’un descendant d’une richissime famille de Montréal aurait été cachée et dilapidée par un conseiller financier et une tante sans scrupules, selon des allégations contenues dans une poursuite déposée en Cour supérieure.
Seulement une partie de la fortune de la famille d’un ancien lieutenantgouverneur du Québec à l’époque de Wilfrid Laurier a bel et bien été versée en héritage à un jeune traumatisé crânien de 23 ans, Simon Brodeur, à la mort de son père et de son grand-oncle.
Le reste aurait été soit caché, soit mal géré, soit prélevé en «frais de gestion exorbitants».
Ces allégations sont contenues dans une poursuite déposée par la mère et tutrice de Simon, Johanne Ponton, obtenue par notre Bureau d’enquête.
David W. Bush, patron de la firme de gestion de Montréal David Bush & Associés, et Marie Brodeur, la tante de Simon, sont visés par les recours. Ils sont les gardiens de deux fiducies qui doivent gérer la fortune de Simon.
La poursuite dit être incapable de chiffrer la totalité des sommes manquantes. Elle dit toutefois que des recherches récentes auraient permis de découvrir:
√ Un héritage d’un million légué en 2008 par son grand-oncle caché à Simon Brodeur. Ni la mère de Simon ni son fils n’ont jamais été invités à la lecture de son testament.
√ Des documents obtenus en 2014 qui ont permis de découvrir un écart annuel de 200 000 $ entre les revenus déclarés et les revenus réels de deux fiducies censées gérer l’argent de Simon.
PERSONNAGE ILLUSTRE
Louis Brodeur, le père de Simon, est l’arrière-petit-fils de Louis-Philippe Brodeur, un personnage illustre à l’époque de Wilfrid Laurier. Louis-Philippe Brodeur a été tour à tour ministre, juge à la Cour suprême et lieutenant-gouverneur du Québec. La famille Brodeur est aussi liée à la famille de Marcelin Wilson, un sénateur libéral en vue de 1911 à 1941, qui a fondé le Collège Stanislas à Outremont.
Grâce à une immense fortune, au moins une génération de Brodeur n’a jamais eu besoin de travailler.
Simon est l’héritier de son père et de son grand-oncle, décédés en 2007 et 2008.
ACCIDENT D’AUTO
Un accident d’automobile quand il avait deux ans a laissé Simon avec des «séquelles permanentes» aux poumons, aux jambes et au cerveau.
Selon sa mère, Simon a connu deux morts cliniques. Il lui a fallu 15 années de rééducation et ses capacités scolaires n’excèdent pas une quatrième année du primaire.
Le gestionnaire de la fortune des Brodeur aurait profité de cette faiblesse pour ne pas verser la totalité de l’héritage dû à Simon, selon les allégations.
«L’écart monumental entre les revenus déclarés par les intimés à la requérante et les revenus réels enregistrés (...) est la preuve de manoeuvres qui s’apparentent à de la fraude de la part des intimés David W. Bush et Marie Brodeur.»
La poursuite allègue que David Bush s’est placé dans une position de conflit d’intérêts flagrante en étant à la fois gestionnaire des placements de la fiducie de Simon et fiduciaire de celle-ci.
Cela «a mené à de la malversation, des abus et des pertes financières inexplicables à travers les années.»
Marie Brodeur, elle, aurait cautionné les agissements de Bush, selon les allégations contenues dans la poursuite.
FRAIS EXORBITANTS
Selon la poursuite, David Bush se serait octroyé des frais d’administration sans commune mesure avec son travail. Impossible aussi de connaître les rendements obtenus sur les placements avec l’argent de Simon.
«Les documents transmis par (...) David Bush ne sont pas suffisamment détaillés pour en déterminer l’exactitude», écrit la poursuite.
Ni David Bush, ni Marie Brodeur n’ont souhaité commenter le dossier. Ils auront cependant l’occasion de répondre aux allégations faites à leur endroit par le biais de leurs défenses dans le cadre des procédures judiciaires.