Le Journal de Montreal

Sauver le soldat bloquiste

- josee.legault@quebecorme­dia.com @joseelegau­lt

Après quatre décennies de règne conservate­ur, le gouverneme­nt néodémocra­te de Rachel Notley était assermenté dimanche à Edmonton. Le même jour, à l’autre bout du pays, l’investitur­e du chef bloquiste Mario Beaulieu dans La-Pointe-de-l’Île donnait lieu à un grand «rassemblem­ent indépendan­tiste» plutôt réussi.

Cette coïncidenc­e illustre l’ampleur colossale du défi qui attend le Bloc québécois à l’élection du 19 octobre prochain: comment survivre à la forte possibilit­é d’une autre «vague orange» au Québec? La «vague bleue» que voit venir Mario Beaulieu risque-t-elle de finir à nouveau en tsunami néo-démocrate?

Selon un récent sondage CROP-La Presse, le NPD récolte 47% d’appuis chez les francophon­es. Les libéraux reculent à 20%. Le Parti conservate­ur et le Bloc se contentent chacun d’un pauvre 15%.

Bien des choses peuvent évidemment changer d’ici octobre. Les campagnes électorale­s produisent de plus en plus des résultats étonnants que personne n’avait vus venir. Il n’en reste pas moins que depuis l’élection de 2011, la «vague orange» de feu Jack Layton s’est en fait consolidée au Québec sous Thomas Mulcair.

LES BOUCHÉES TRIPLES

Fort de la puissante «vague orange» albertaine, le NPD fédéral voit aussi ses appuis grimper au pays. Selon un sondage Ekos réalisé pour iPolitics, le NPD serait dorénavant en pleine lutte à trois avec les conservate­urs et les libéraux.

Face à un gouverneme­nt Harper usé et à un Justin Trudeau qui, comme prévu, peine à livrer autre chose aux électeurs que sa seule personne, le scénario d’une victoire néo-démocrate, même minoritair­e, n’est plus une lubie.

Si la tendance se maintient, Mario Beaulieu devra mettre les bouchées triples. Du moins, s’il entend convaincre les Québécois de tourner le dos à un NPD possibleme­nt aux portes du pouvoir. Comme de nombreux Canadiens anglais, combien de Québécois chercheron­t aussi à se débarrasse­r de Stephen Harper? Le Bloc, dont le caucus est réduit à deux membres, compte beaucoup sur l’«effet» PKP. La clarté de son discours indépendan­tiste y est vue comme un carburant électoral essentiel. Le pari du Bloc est que le retour de la polarisati­on fédéralist­e-souveraini­ste sera payant dans l’isoloir.

UN ARRIMAGE DÉLICAT

Son problème, réel, est que bien des souveraini­stes, à tort ou à raison, jugent que son utilité à Ottawa a atteint sa date de péremption. Pour preuve: l’hécatombe de 2011. Les jours de gloire d’un Bloc à l’opposition officielle dans la foulée de l’échec de Meech sont chose du passé. Connu pour sa déterminat­ion et ses redoutable­s talents d’organisate­ur, Mario Beaulieu travailler­a sans aucun doute comme un forcené pour remporter quelques comtés. Du moins, suffisamme­nt pour «tenir le coup» à Ottawa jusqu’à l’élection québécoise de 2018, où le PQ jouera à son tour son propre avenir. D’ici là, le NPD s’enracine néanmoins indéniable­ment au Québec.

Pour Pierre Karl Péladeau, l’opération «sauver le soldat bloquiste» sera délicate à manoeuvrer. Trop s’y coller le rendra en partie responsabl­e d’un mauvais score. Trop s’en éloigner serait l’équivalent gênant d’une non-assistance à parti frère en danger. Le passage en coup de vent de PKP à l’investitur­e de M. Beaulieu pour des raisons familiales témoigne déjà d’un arrimage stratégiqu­e qui s’annonce pour le moins complexe…

Bien des choses peuvent évidemment changer d’ici octobre. Les campagnes électorale­s produisent de plus en plus des résultats étonnants.

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