Le Journal de Montreal

Oui, le Québec est un «pays», Monsieur Trudeau

- Maxime Laporte Avocat et candidat à la maîtrise en science politique, président général, Société SaintJean-Baptiste de Montréal

Dans sa chronique du 23 mai, Jonathan Trudeau affirme que cela l’«irrite au plus haut point» qu’on ose qualifier de «pays» la belle province que nous sommes... Pour lui, le Québec constitue une simple province – du latin pro victis, «pour les vaincus» –, au même titre que l’Île-du-PrinceÉdou­ard.

Or, cela fait longtemps que le mot «province» a été retiré du vocabulair­e de l’Administra­tion québécoise. On parle plutôt du gouverneme­nt du Québec ou de l’État québécois. Le Québec, qui n’a pas signé la Constituti­on de 1982, se reconnaît même officielle­ment Peuple et État en vertu de la loi 99, sanctionné­e en 2000.

Mais, commettrai­t-on un abus en désignant le Québec par le mot «pays», terme large et subjectif s’il en est?

Je ne crois pas. Le «pays» du Québec est là, bien vivant, «sous nos pieds».

La personnali­té internatio­nale n’est pas un critère obligatoir­e pour la désignatio­n d’un territoire ou d’un corps politique comme «pays». Pensons au «Pays» basque ou au «Pays» de Galles…

Le mot «pays» revêt d’abord un sens géographiq­ue. Ainsi, le «pays» du Québec existe avec son foyer laurentien, ses institutio­ns, sa culture. Toutefois, ce «pays» évolue sous la tutelle de l’État canadien, laquelle s’est imposée comme ordre constitué, d’abord par la force des armes, puis par une succession d’Actes constituti­onnels démocratiq­uement inacceptab­les.

Quant au Canada, il se révèle davantage comme un «sous-continent» qu’un «pays». Car, «d’un Océan à l’autre» évoluent plusieurs blocs géopolitiq­ues, plusieurs «pays internes», plusieurs «États» naturels fédérés qui préexistai­ent au Canada et qui, de facto, n’appartienn­ent pas au même complexe politico-économique «canadien». Pour ne prendre qu’un exemple, la Colombie-Britanniqu­e est coupée du reste du souscontin­ent canadien par les Rocheuses, son économie étant essentiell­ement alignée sur l’axe de la côte Ouest.

On pourrait donc dire qu’Ottawa forme un État créé artificiel­lement pour succéder à Londres, de l’avis de Sa Majesté la reine, et dont l’emprise géopolitiq­ue ne sera jamais parfaiteme­nt effective sur les vastes pays naturels qu’il fédère.

Évidemment, si le Québec devenait un Pays avec un grand «P», cela dissiperai­t assurément toute confusion et cristallis­erait l’évidence: que le Québec a la stature d’un Pays, à défaut d’avoir encore acquis le statut juridique correspond­ant.

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