Saine prudence, saine distance
Le Parti québécois ne peut feindre que son petit frère fédéral, le Bloc québécois, n’existe pas. Des militants ne souhaiteraient pas qu’il le renie avant les élections d’octobre.
Le PQ a cependant plus à perdre qu’à gagner à tenter de le remorquer. Il est fréquent qu’une personne soit entraînée dans la noyade par celle qu’elle cherchait à sauver.
Le Bloc a été balayé à l’élection de 2011, n’obtenant que 6,1% des votes. Son expérimenté et très respecté chef, Gilles Duceppe, a été défait dans sa propre circonscription. Le parti n’a conservé que quatre sièges aux Communes. Deux de ces députés ont démissionné depuis.
MORIBOND
Le dernier sondage CROP sur les intentions de vote fédérales des Québécois donnait 42% au NPD, propulsé par la victoire du parti en Alberta, 25% au PLC de Justin Trudeau, 15% aux conservateurs et 13% au Bloc québécois.
Le Bloc n’obtenait que 15% des votes chez l’électorat francophone dans ce sondage.
La pertinence de la présence d’un parti souverainiste à Ottawa divisait au sein du PQ avant même la fondation du Bloc.
Il a cependant connu de gros succès électoraux sous les directions de Lucien Bouchard et de Gilles Duceppe, et il a fait du bon travail sur les banquettes de l’opposition.
La preuve n’a par contre pas été faite qu’il est indispensable. Il a plutôt fait en sorte que les Québécois n’ont pas occupé la place qu’ils auraient dû au sein des gouvernements fédéraux. Pour certains souverainistes, le Bloc bonifiait même le fonctionnement du fédéralisme par son travail et nuisait conséquemment à la démarche vers la souveraineté.
Cet interminable débat a pris une nouvelle acuité depuis la débâcle de 2011.
Sans statut aux Communes, le moribond a perdu son gros budget de recherche et il n’a plus qu’un droit de parole de 30 secondes par semaine.
La froideur initiale du nouveau chef du Parti québécois, Pierre Karl Péladeau, qui doutait de son utilité, se comprend facilement.
LES CHEFS
Mais il y a plus. L’actuel chef du Bloc, Mario Beaulieu, est un militant indépendantiste qui s’est fait connaître par le radicalisme de ses coups de gueule.
L’ex-président de la Société Saint-JeanBaptiste de Montréal s’est retrouvé à la direction du Bloc parce que la nature a horreur du vide.
M. Péladeau n’a pas beaucoup d’atomes crochus avec un Mario Beaulieu. Pire, il a plutôt tout à craindre d’un tel électron libre. Une saine prudence commande de garder une saine distance.
M. Péladeau a accepté dimanche de participer à une prise de photos avec Mario Beaulieu à l’extérieur de la salle où se déroulait l’assemblée d’investiture de ce dernier, mais il n’a pas rencontré les militants et encore moins partagé la même tribune.
Le chef du PQ ne s’est enfin aucunement compromis sur la forme que prendrait l’appui au Bloc au cours de la prochaine campagne électorale fédérale.
M. Péladeau tenait légitimement à assister au spectacle de danse de sa fille. J’aurais fait le même choix.
Mais disons qu’il ne pouvait mieux tomber.
L’alliance de raison PQ-Bloc ne fera pas des enfants forts.
La preuve n’a par contre pas été faite que le Bloc est indispensable