Le Journal de Montreal

La mort en direct

- richard Martineau richard.martineau@quebecorme­dia.com

Soyez francs, quand vous avez appris ce qui s’est passé en Virginie, vous avez pensé la même chose que moi.

Un loup solitaire, l’islamisme, un fou d’Allah. Eh bien non. C’était bel et bien un loup solitaire, mais il ne défendait aucune cause, aussi folle soitelle.

Il ne faisait qu’assouvir une vengeance personnell­e.

Ce n’était qu’un employé frustré qui ouvre le feu sur des collègues de travail avant de retourner l’arme contre lui. Un autre. Chez nos voisins du Sud, c’est presque devenu une banalité.

Tu entres dans ton ancien bureau, tu entres chez ton ex, tu entres dans un cinéma, tu entres dans ton école et tu tires dans le tas.

Mais les armes à feu n’ont rien à voir là-dedans, noooon.

L’homme aurait pu faire couler autant de sang avec une fourchette, un bat de baseball ou un couteau.

Bien tiens.

HEE HAW!

Un de mes amis m’a dit qu’il est allé dans un État du Sud, récemment.

Il pouvait brandir un revolver chargé dans la boîte d’un pick-up truck pendant qu’il roulait sur l’autoroute à vive allure, pas de problème, c’était permis.

Mais hors de question d’acheter de la bière le dimanche, par contre!

Après tout, les Américains ont des principes…

Ils savent vivre! On ne vend pas de l’alcool le jour du Seigneur.

Mais tu peux tirer sur des canettes vides avec ton fils de six ans. Ça, c’est une belle activité familiale!

J’imagine que c’est aussi une mauvaise coïncidenc­e que la Virginie soit l’un des États américains où il est le plus facile de se procurer des armes à feu.

Re-bien tiens…

ENCORE UN HOMME

Malgré cela, hier, malgré cette horrible tragédie qui s’est déroulée en direct sous nos yeux, une chose m’a consolé.

J’ai regardé la vidéo de l’assassinat — les deux, en fait : celle filmée par le caméraman qui est tombé sous les balles, et l’autre, horrible, filmée par le tueur luimême.

(Car nous sommes en 2015. Aujourd’hui, ce n’est pas suffisant tuer des êtres humains, de les cribler de balles, de les décapiter. Il faut filmer ses crimes et publier les images sur Facebook et Twitter. À quoi bon tuer deux innocents si personne ne peut voir ce que vous avez fait?)

Bref, j’ai regardé les deux vidéos, et vous savez quoi?

Je me suis senti mal toute la matinée…

Malgré toutes les images violentes que j’ai vues au cinéma, à la télé et dans les jeux vidéo, j’ai encore de l’empathie.

Ce n’est pas vrai que nous sommes immunisés, engourdis, insensible­s.

Notre cerveau, notre corps, notre âme savent faire la différence entre la vraie violence et la fausse. Ça, ça m’a réconforté. Malgré tout ce que j’ai vu au fil des ans («Les hommes en ont tellement vu que leurs yeux sont devenus gris», chantait Jacques Brel), je suis encore un être humain.

La vue de la souffrance (la VRAIE souffrance) me bouleverse, m’attriste, me secoue encore.

UNE ÉPOQUE INQUIÉTANT­E

Nous vivons à l’ère des loups solitaires.

Certains tuent pour venger leur dieu. D’autres pour venger leur honneur.

Ça peut frapper n’importe où, n’importe qui. En ville comme à la campagne. Des vedettes comme des inconnus.

Drôle d’époque.

Ce n’est pas vrai que nous sommes immunisés, engourdis, insensible­s.

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