Le Journal de Montreal

Lire la lettre ouverte de l’ex-bâtonnier du Québec

- Pierre Chagnon

L’assemblée extraordin­aire des membres du Barreau s’est déroulée dans la sérénité; personne n’a déchiré sa chemise.

Si j’ai honte de mon institutio­n et des événements en cours, je suis néanmoins très fier des avocats puisque 1000 d’entre nous étaient réunis dans une salle, en assemblée extraordin­aire historique, lundi dernier.

Cette assemblée que nous craignions houleuse s’est déroulée dans un climat décontract­é et de grand respect. Il aurait été facile de chahuter, de personnali­ser, d’engueuler ou d’accuser. Bien sûr, des coups ont été portés, c’était inévitable. Mais c’était à visage découvert, c’était propre.

Notre métier d’avocat, quand il est bien pratiqué, ne fait pas de nous des ennemis, mais des adversaire­s redoutable­s. Nous confronton­s des idées, nous opposons des concepts, nous argumenton­s, nous interpréto­ns la loi, nous faisons de la prévention, nous réglons des conflits, nous obtenons justice ou réparation pour notre client.

Lorsque nous dépersonna­lisons le conflit pour l’élever à un niveau supérieur, au niveau de la règle de droit, les avocats deviennent des confrères et des consoeurs.

Il n’y a pas eu d’étincelle ni d’escarmouch­e. Quelques avocasseri­es, mais qui n’ont jamais mis à bout de patience les avocats présents. (Mettez mille avocats dans une salle et vous savez que tout peut arriver.) Nous avions un auditoire attentif et respectueu­x. Les arguments de ceux qui ont pris la parole se sont situés presque toujours au niveau du droit.

Chapeau aux avocats qui se sont déplacés de très loin, de l’Abitibi, du Bas-Saint-Laurent, de Sept-Îles. Bien sûr, tous ne pouvaient être présents. Nous pouvions avoir un tas de raisons valables pour être dans l’impossibil­ité d’y assister; raisons personnell­es, familiales, profession­nelles ou de santé, conflits d’horaire, engagement­s autres, vacances, voyages. Et que dire de ceux qui exercent dans environ 80 pays différents autres que le Canada?

Beaucoup d’intervenan­ts ont souhaité de nouvelles élections pour tous les membres du CA.

Le vice-président a mentionné que la législatio­n ne le permet pas. Parfait. Mais est-ce possible de faire adopter un décret qui le permettrai­t rapidement? À problème exceptionn­el, solution exceptionn­elle! Estce possible d’obtenir une dérogation? Estce possible par entente privée et sous l’autorité et l’aval de l’Office des profession­s de procéder à de nouvelles élections? Je ne suis pas persuadé que nous avons évalué sérieuseme­nt toutes les options.

À défaut de pouvoir retourner en élections, les membres du CA qui se déclareron­t incapables de travailler avec madame la bâtonnière n’auront d’autre choix que de démissionn­er.

Le 22 mai dernier, Me Khuong a été élue à 62,9 % des voix et une majorité de 2683 votes. À l’assemblée extraordin­aire, mieux, 68 % ont réitéré le fait que Me Khuong a la légitimité nécessaire pour occuper le poste de bâtonnière. Sérieux signal, n’est-ce pas. Et s’il y avait de nouvelles élections, je suis convaincu que Me Khuong obtiendrai­t encore un résultat supérieur.

D’ailleurs, parmi les intervenan­ts qui ont pris le micro ou qui ont demandé la tenue de cette assemblée, plusieurs ont dit qu’ils n’avaient pas voté pour la bâtonnière, mais qu’aujourd’hui, ils l’appuient. C’est tout dire.

Dans une entrevue, questionné à propos des recommanda­tions que pourrait faire le comité d’éthique et de déontologi­e appelé à se pencher sur les événements que nous connaisson­s tous, le vice-président avait mentionné sans détour que c’est le CA qui décide de la suite des choses. Cette fois-ci, à l’assemblée, ses propos ont été plus nuancés. «Nous vous avons entendus», a-t-il dit.

Les membres du CA doivent être à l’écoute des membres du Barreau qui les ont élus.

J’ai voté pour Me Khuong et j’ai travaillé fièrement pour elle.

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Pierre Chagnon Ad.E., Adm.A. Bâtonnier 2009-2010

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