Lire la lettre ouverte de l’ex-bâtonnier du Québec
L’assemblée extraordinaire des membres du Barreau s’est déroulée dans la sérénité; personne n’a déchiré sa chemise.
Si j’ai honte de mon institution et des événements en cours, je suis néanmoins très fier des avocats puisque 1000 d’entre nous étaient réunis dans une salle, en assemblée extraordinaire historique, lundi dernier.
Cette assemblée que nous craignions houleuse s’est déroulée dans un climat décontracté et de grand respect. Il aurait été facile de chahuter, de personnaliser, d’engueuler ou d’accuser. Bien sûr, des coups ont été portés, c’était inévitable. Mais c’était à visage découvert, c’était propre.
Notre métier d’avocat, quand il est bien pratiqué, ne fait pas de nous des ennemis, mais des adversaires redoutables. Nous confrontons des idées, nous opposons des concepts, nous argumentons, nous interprétons la loi, nous faisons de la prévention, nous réglons des conflits, nous obtenons justice ou réparation pour notre client.
Lorsque nous dépersonnalisons le conflit pour l’élever à un niveau supérieur, au niveau de la règle de droit, les avocats deviennent des confrères et des consoeurs.
Il n’y a pas eu d’étincelle ni d’escarmouche. Quelques avocasseries, mais qui n’ont jamais mis à bout de patience les avocats présents. (Mettez mille avocats dans une salle et vous savez que tout peut arriver.) Nous avions un auditoire attentif et respectueux. Les arguments de ceux qui ont pris la parole se sont situés presque toujours au niveau du droit.
Chapeau aux avocats qui se sont déplacés de très loin, de l’Abitibi, du Bas-Saint-Laurent, de Sept-Îles. Bien sûr, tous ne pouvaient être présents. Nous pouvions avoir un tas de raisons valables pour être dans l’impossibilité d’y assister; raisons personnelles, familiales, professionnelles ou de santé, conflits d’horaire, engagements autres, vacances, voyages. Et que dire de ceux qui exercent dans environ 80 pays différents autres que le Canada?
Beaucoup d’intervenants ont souhaité de nouvelles élections pour tous les membres du CA.
Le vice-président a mentionné que la législation ne le permet pas. Parfait. Mais est-ce possible de faire adopter un décret qui le permettrait rapidement? À problème exceptionnel, solution exceptionnelle! Estce possible d’obtenir une dérogation? Estce possible par entente privée et sous l’autorité et l’aval de l’Office des professions de procéder à de nouvelles élections? Je ne suis pas persuadé que nous avons évalué sérieusement toutes les options.
À défaut de pouvoir retourner en élections, les membres du CA qui se déclareront incapables de travailler avec madame la bâtonnière n’auront d’autre choix que de démissionner.
Le 22 mai dernier, Me Khuong a été élue à 62,9 % des voix et une majorité de 2683 votes. À l’assemblée extraordinaire, mieux, 68 % ont réitéré le fait que Me Khuong a la légitimité nécessaire pour occuper le poste de bâtonnière. Sérieux signal, n’est-ce pas. Et s’il y avait de nouvelles élections, je suis convaincu que Me Khuong obtiendrait encore un résultat supérieur.
D’ailleurs, parmi les intervenants qui ont pris le micro ou qui ont demandé la tenue de cette assemblée, plusieurs ont dit qu’ils n’avaient pas voté pour la bâtonnière, mais qu’aujourd’hui, ils l’appuient. C’est tout dire.
Dans une entrevue, questionné à propos des recommandations que pourrait faire le comité d’éthique et de déontologie appelé à se pencher sur les événements que nous connaissons tous, le vice-président avait mentionné sans détour que c’est le CA qui décide de la suite des choses. Cette fois-ci, à l’assemblée, ses propos ont été plus nuancés. «Nous vous avons entendus», a-t-il dit.
Les membres du CA doivent être à l’écoute des membres du Barreau qui les ont élus.
J’ai voté pour Me Khuong et j’ai travaillé fièrement pour elle.