Le droit au désaccord
Madame la ministre de la Justice,
Vous avez déposé récemment à l’Assemblée nationale le projet de loi 59 concernant les discours haineux ou incitant à la violence.
Comme ce projet de loi ne définit pas ce qui constitue un discours haineux ou incitant à la violence, il faudrait au minimum établir ce qui n’en constitue pas: le projet de loi devrait statuer clairement que l’interdiction de tenir de tels discours contre un groupe de personnes ne restreint aucunement le droit à la libre discussion ni à la critique des idéologies, religions, opinions politiques, modes de vie ou courants de pensée que professent ces personnes ou ces groupes.
Il est essentiel de refuser de céder notamment au lobby religieux qui s’active auprès des gouvernements nationaux et des instances internationales dans le but de faire adopter des législations empêchant la critique des religions (lois antiblasphème).
Il est fondamental que la liberté d’expression, pierre d’assise de la démocratie, n’ait pas d’autre limite que l’atteinte aux droits d’autrui et à l’ordre public, tel que déjà établi par nos lois. Autrement, c’est le droit au désaccord qu’on abolit, et le régime totalitaire de la pensée officielle qu’on instaure.
Michel Leclerc, avocat retraité du gouvernement du Québec (1968-1999)