La télévision est une voie royale
Au Québec plus particulièrement, le droit a constitué pendant plus d’un siècle la principale porte d’entrée du monde politique. Elle l’est encore, puisque 31 députés de l’Assemblée nationale sont avocats de formation. C’est le quart de l’assemblée. Si le droit constitue toujours un chemin privilégié vers la politique, la télévision est de loin la meilleure carte de visite pour quiconque veut se retrouver rapidement à la tête d’un ministère ou occuper un poste supérieur dans la fonction publique.
La nomination de Jean-François Lépine à la direction des bureaux du Québec en Chine, un pays presque aussi essentiel au Québec que les États-Unis, montre bien l’attrait irrésistible qu’exerce la télévision lorsqu’il s’agit de choisir entre divers candidats pour une importante fonction. C’est encore plus vrai chez nous où la télévision domine outrageusement tous les médias. C’est le seul endroit au monde où la télé peut atteindre plus de 50 parts de marché.
DU PETIT ÉCRAN AU CABINET
Lorsqu’il s’est agi de nommer une femme de langue française gouverneure générale, c’est du côté de la télé qu’a regardé l’ancien premier ministre Pierre-Elliott Trudeau. C’est vrai que Jeanne Sauvé était d’abord passée par son cabinet, mais sans sa notoriété télévisuelle, elle n’y aurait sans doute jamais siégé.
Dans la foulée, trois autres personnalités du petit écran ont suivi Ramon Hnatyshyn, exceptionnellement avocat de profession celui-là: Roméo Leblanc, correspondant de Radio-Canada à Londres et Washington, Adrienne Clarkson, animatrice vedette de The Fifth Estate, la grande émission d’affaires publiques de la CBC, et Michaëlle Jean, présentatrice du Téléjournal, que l’ancien premier ministre Paul Martin voyait dans sa soupe comme à l’écran. Sa nomination a fait dire à plus d’un que la télévision de Radio-Canada était devenue la pépinière des futurs gouverneurs généraux.
C’est aussi une pépinière de ministres. Depuis quelques années, plusieurs personnalités sont passées presque directement du petit écran au cabinet. Tout récemment, Bernard Drainville, Pierre Duchesne et Christine Saint-Pierre se sont d’abord fait connaître à la télé avant d’affronter les électeurs. Si Gérard Deltell, qui a passé vingt ans dans nos trois télés généralistes, n’est pas encore ministre, c’est qu’il n’avait pas choisi le «bon» parti. S’il est élu le 19 octobre et que les conservateurs le sont aussi, il s’ajoutera à la liste déjà longue des vedettes de télé qui nous gouvernent.
NOMINATION BIEN ACCUEILLIE
Règle générale, aucune des vedettes du petit écran ayant accédé à une fonction supérieure n’a fait défaut à la bonne image que les téléspectateurs avaient d’eux. Faisons exception pour Mike Duffy dont le passage de la télé au sénat est plutôt désastreux.
Le gouvernement du Québec n’a rien à redouter de la nomination de Jean-François Lépine. En plus d’être hautement respecté par ses collègues, l’ancien journaliste et animateur est un familier de la Chine où il fut correspondant à l’époque où le pays s’ouvrait enfin au monde. Il a par la suite occupé des fonctions similaires à Paris et à Jérusalem.
Pour une rare fois, cette nomination devrait faire l’unanimité des partis politiques et des… téléspectateurs!
TÉLÉPENSÉE DU JOUR
Pour paraphraser une chanson de Félix Leclerc, le maire Denis Coderre serait bien avisé de se faire des tresses, car Serge Losique n’est pas près d’enlever sa casquette!