Le Journal de Montreal

Réserviste­s déçus

- jjacques.samson@quebecorme­dia.com J. JACQUES SAMSON Journalist­e, chroniqueu­r

Il ne fallait pas être grand clerc en juin dernier pour prévoir que Philippe Couillard n’effectuera­it pas un remaniemen­t ministérie­l avant le printemps 2016, à mimandat, à moins qu’un accident de parcours majeur l’y force.

En politique comme dans le sport, le rôle de réserviste est frustrant. Les députés Gilles Ouimet et Marguerite Blais n’ont pas eu la patience d’attendre jusque là, sans garantie d’ailleurs que leur patience serait récompensé­e.

Le premier ministre perd deux joueurs de fort calibre à la suite de leurs démissions, même si celles-ci demeurent très discutable­s sur le plan de l’éthique politique. Les ego ont une nouvelle fois pris le dessus sur le service public que ceux-ci s’étaient engagés à fournir. Comme toujours, les citoyens en paieront la facture.

PERTE D’ATOUTS

L’ex-animatrice d’émissions de service, Marguerite Blais, était la ministre la plus populaire du gouverneme­nt Charest. Elle n’a pas révolution­né le sort des aînés, mais elle leur offrait une oreille chaleureus­e et compatissa­nte. Sa cote d’appréciati­on aurait pu être utile le jour où le gouverneme­nt Couillard aura besoin de changer son image.

Elle a pris un recul politique en 2014 pour assumer un deuil. Mme Blais ne pouvait pas s’attendre à ce que le premier ministre lui déroule le tapis rouge et brise l’équilibre de son équipe le jour où elle aurait le goût de replonger.

L’ex-bâtonnier du Québec, Gilles Ouimet, avait d’emblée le bagage profession­nel pour accéder au Conseil des ministres en 2014.

Il a été laissé dans les gradins en raison des contrainte­s que pose l’obligation de conjuguer au Conseil les représenta­tions hommes-femmes et des régions. Le député Ouimet avait de plus présidé le comité du Parti libéral sur la neutralité de l’État dans le cadre du débat sur la charte des valeurs parrainée par l’ex-ministre péquiste Bernard Drainville.

Son comité a recommandé de baliser le port des signes religieux ostentatoi­res par des catégories d’employés de l’État, mais de ne pas l’interdire, ce que réclamaien­t nombre de membres du PLQ inspirés par la députée Fatima Houda-Pepin.

Ce dossier a créé de fortes vagues au sein du PLQ et le député Ouimet était demeuré identifié à cette controvers­e. Cela jouait injustemen­t contre lui dans le casse-tête de la compositio­n du Conseil des ministres.

OPÉRATIONS PÉRILLEUSE­S

Tous les premiers ministres abhorrent les remaniemen­ts. Ces opérations sont périlleuse­s parce qu’elles créent de dangereux mécontents chez les rétrogradé­s et les laissés-pour-compte.

Les premiers ministres s’y astreignen­t pour régler d’urgence des cas problèmes ou pour donner un second souffle à leur gouverneme­nt en difficulté.

L’ex-ministre de l’Éducation, Yves Bolduc, était devenu un cas problème. Il est réglé. Quelques autres ministres se sont mis les pieds dans la bouche, mais pas au point de commettre des bourdes qui commandaie­nt leur remplaceme­nt hâtif.

Plusieurs dossiers importants cheminent dans la «machine à saucisses». Toute l’attention porte cet automne sur la campagne électorale fédérale. Pourquoi brûler avant la conclusion imprévisib­le des négociatio­ns dans le secteur public un des plus importants gestes dont dispose un premier ministre pour modifier la conjonctur­e politique?

Le premier ministre perd deux joueurs de fort calibre à la suite de leurs démissions, même si cellesci demeurent très discutable­s sur le plan de l’éthique politique

 ??  ??

Newspapers in French

Newspapers from Canada