Le Journal de Montreal

Mordre la main qui nous nourrit

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On a appris mercredi une nouvelle que le réseau Sportsnet et les Blue Jays de Toronto tentent de ne pas ébruiter depuis des mois: Jose Bautista, principal visage des Blue Jays depuis six saisons, n’accorde plus d’entrevues à Sportsnet. Le voltigeur étoile refuse toute demande d’entrevue individuel­le.

Rien pour écrire à sa mère jusqu’ici, puisque la plupart des athlètes ne se plient pas à toutes les demandes des médias. Sauf que la plupart des athlètes ne boycottent pas une station de télévision, le diffuseur officiel de l’équipe de surcroît, qui appartient au même propriétai­re que la formation pour laquelle ils évoluent. Vous aurez deviné que l’on parle ici du géant ontarien Rogers.

Avant d’aller plus loin, il est important d’expliquer les motifs du boycott.

Si Bautista semble faire preuve d’égoïsme à première vue en boycottant indirectem­ent son propre employeur, il n’a pas tout à fait tort.

Ce printemps, le réseau Sportsnet réalise un reportage avec la recrue Devon Travis. Dans le cadre de ce reportage, une journalist­e part magasiner avec le joueur des Blue Jays dans une boutique de vêtements pour hommes haut de gamme afin d’acheter un habit pour Travis, le tout à la demande de Sportsnet.

La chaîne sportive refuse ensuite de payer pour l’habit. Bautista trouve la situation injuste, d’autant plus que son jeune coéquipier touche le salaire minimum pour un joueur des majeures. Autre détail important: la boutique de vêtements en question, qui a bénéficié d’une énorme visibilité lors de la diffusion du reportage, est un partenaire de Sportsnet et fournit les habits de certains animateurs de la chaîne.

CERCLE VICIEUX

Cette situation aurait fait peu de vagues à une époque pas si lointaine, mais depuis que les congloméra­ts médiatique­s investisse­nt dans le sport profession­nel et que les réseaux de télé paient des sommes astronomiq­ues pour les droits de diffusion, les conflits du genre témoignent d’une certaine proximité qui n’existait pas auparavant entre les médias et les équipes.

Ainsi, les joueurs permettent aux caméras d’entrer dans leur quotidien, ce qui fournit du contenu aux médias qui, souvent, sont aussi actionnair­es de l’équipe. Cette tendance semble populaire au Canada. Il ne suffit que de penser aux Jets de Winnipeg, aux Blue Jays, aux Maple Leafs de Toronto, aux futurs Nordiques et même à l’institutio­n sacrée, le Canadien.

La Sainte-Flanelle constitue le pain et le beurre de nos chaînes sportives qui, en retour, se montrent rarement dures envers l’équipe. Par exemple, Bell est à la fois actionnair­e minoritair­e du Canadien et propriétai­re de RDS. Certes, à l’occasion, un malheureux servira de bouc émissaire mais en général, Marc Bergevin et compagnie ne sont pas trop embêtés par les médias.

À preuve, depuis son arrivée dans la LNH, l’attaquant russe Alexander Semin est un lâche, un sans-coeur et un cancer dans le vestiaire, aux yeux de nos observateu­rs locaux. Or, maintenant que le DG du Tricolore lui a consenti un contrat, on parle de lui comme d’un beau risque et d’un joueur qui pourrait aider Alex Galchenyuk à se développer. C’est ce qu’on appelle un virage à 180 degrés.

Il s’agit là d’une nouvelle réalité du sport profession­nel.

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Jose Bautista

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