Voir aussi la lettre ouverte de Me Rémi Bourget
Notre Barreau vit depuis quelques mois une crise sans précédent, avec une lutte à finir sur les plans juridique, politique et médiatique. En mai dernier, la bâtonnière Lu Chan Khuong fut élue à la tête du Barreau avec 63 % des voix, forte d’un ambitieux programme de réformes axé sur l’accès à la justice.
Le 1er juillet, à la suite de la fuite d’informations confidentielles, le Conseil d’administration du Barreau («le C.A.») a suspendu la bâtonnière, à quelques heures d’avis. Cette suspension fut perçue par plusieurs avocats comme une injustice envers elle, qui n’a jamais été condamnée ni même accusée de quoi que ce soit.
C’est dans ce contexte que s’est tenue l’assemblée générale extraordinaire du Barreau, le 24 août dernier, avec la participation record d’un millier d’avocats. Encore une fois, les membres réunis ont appuyé le mandat de la bâtonnière, à plus de 68 % des voix. La bâtonnière a donc remporté une importante victoire politique.
Maintenant, le jugement sur ordonnance de sauvegarde rendu hier, refusant de réintégrer la bâtonnière avant que soit entendue sa demande sur le fond le 5 octobre prochain, constitue une importante victoire juridique du C.A. Il aurait tout à fait le droit de se réfugier derrière ce jugement pour continuer à administrer les affaires du Barreau, sans la bâtonnière, jusqu’au 5 octobre. Or, la confrérie peut-elle se permettre de continuer à se déchirer ainsi sur la place publique? Poser la question, c’est y répondre.
Lors de l’assemblée, plusieurs membres ont souhaité la tenue d’une nouvelle élection pour mettre fin à l’impasse. Me Khuong a déclaré qu’elle serait prête à démissionner pour retourner en élection, à la condition que le reste du C.A. accepte de faire de même. Il s’agit là d’une position courageuse de sa part puisqu’elle sait qu’elle devra faire face à de dures attaques personnelles lors d’une éventuelle campagne.
Pour sa part, le C.A. a publié un communiqué indiquant que les affaires de l’ordre seront conduites par son vice-président jusqu’à ce qu’une décision soit rendue sur le fond du litige. Bien que cette décision soit valide sur le plan juridique, elle fait fi de la volonté démocratique des membres. Elle risque donc de maintenir l’état de crise dans lequel est plongée notre profession.
En tant que membre, je souhaiterais que le C.A. fasse preuve du même courage que la bâtonnière en acceptant de démissionner afin que soient déclenchées de nouvelles élections. Il s’agit de la seule voie possible vers une sortie de crise dont la principale victime est l’image de notre profession.