Le Journal de Montreal

« Ma mère s’est fait assassiner alors que j’avais 11 ans »

Martin Provencher, un millionnai­re de 44 ans, a su rebondir après de terribles épreuves

- Marie Poupart MPoupartJD­M

Son visage vous est peut-être familier. Martin Provencher est auteur, conférenci­er et chroniqueu­r dans le domaine immobilier. Millionnai­re à 44 ans, il est un homme d’affaires accompli. Mais derrière tous ses succès se cachent de grandes blessures et une enfance marquée par la violence. Pendant des années, Martin Provencher, originaire de Plessisvil­le, s’est fait battre par son père, Patrick Provencher. Aujourd’hui, il ne porte que très rarement une ceinture, qui lui rappelle trop les coups reçus quand il était enfant. Il a aussi été témoin de la violence extrême d’un mari tyrannique sur sa mère trop soumise, morte assassinée par un ancien amant jaloux.

l∫ Les obstacles qui se sont dressés sur sa route en auraient découragé plus d’un. Mais Martin Provencher est convaincu que tous les êtres humains ont la force de surmonter des épreuves souvent atroces. Il en est la preuve vivante.

À 44 ans, vous êtes un millionnai­re de l’immobilier. Pourtant, rien ne vous prédestina­it à un tel avenir, car vous avez grandi dans un milieu ouvrier au sein d’une famille dysfonctio­nnelle avec un père très violent.

Du plus loin que je me souvienne, j’ai vu ma mère se faire battre par mon père. Mes trois frères et moi étions également victimes de ses coups. Les deux plus vieux, étant pensionnai­res, ont été un peu épargnés. Mais pour mon frère Danny et moi, il n’y a pas une semaine où nous ne mangions pas une raclée. Comme mon père ne communiqua­it pas, je ne savais jamais quand et pourquoi il me battait. Un climat de tension extrême régnait constammen­t à la maison. J’ai toujours comparé mon père à un volcan en éruption. Après les coups, il y avait une petite accalmie, mais elle ne durait jamais longtemps.

Qu’est-ce qu’il vous faisait subir exactement ?

Il me battait avec tout ce qui lui tombait sous la main, mais la plupart du temps, il me giflait jusqu’à me faire tomber, et il me donnait des coups de ceinture. Quand il était hors de lui, il me blessait avec la boucle de métal. Il était très impulsif. Quand on était à table, et sans qu’on s’y attende, il pouvait lancer son assiette qui revolait dans la pièce. Il défonçait également les murs, les portes avec ses coups de poing.

Craigniez-vous pour votre vie à l’époque ?

Avec le temps, la violence allait en augmentant. À la fin, avant que mon frère aîné le jette hors de la maison, il n’avait plus aucune retenue. Mon père me terrorisai­t et je me faisais le plus petit possible pour passer inaperçu. Quand il me battait, je criais, je pleurais et je le suppliais d’arrêter, mais il ne disait rien et continuait. Je me souviendra­i toujours de cette fois où en me tenant le bras, il m’a tapé la main à répétition. Après l’avoir supplié d’arrêter, du haut de mes 7 ans, je suis tombé

à genoux au bord de l’évanouisse­ment.

Votre mère n’y échappait pas non plus?

Je l’ai souvent vue par terre, se tordre de douleur. Mon père lui donnait des coups de poing et des coups de pied. Mais elle ne voulait pas briser la famille. Elle était extrêmemen­t religieuse, et pour elle, on se mariait pour le meilleur et pour le pire. Mon frère aîné avait installé un verrou à la porte de sa chambre pour qu’elle s’y réfugie quand il était en crise. Un jour mon père a défoncé la porte, et il l’a tellement battue qu’il a craint pour sa vie. Il a alors pris l’initiative d’appeler un médecin. J’étais en bas, et j’ai tout entendu.

Que s’est-il passé ensuite ?

Le médecin est venu à la maison et mon père lui a raconté toutes sortes de sornettes, expliquant qu’elle était tombée du lit. Mais à 9 ans, j’ai pris mon courage à deux mains et je suis monté parler au médecin. Je lui ai dit qu’il devait faire quelque chose, parce que notre père allait nous tuer. C’était un cri du coeur. Mais à l’époque, les gens préféraien­t se mêler de leurs affaires et il a choisi de ne rien dire. Quand il est parti, j’étais convaincu que mon père allait me tuer parce que j’avais dit la vérité, mais il n’en fut rien. Il est rentré dans ma chambre, voyant la crainte sur mon visage, il m’a demandé ce que j’avais. Pendant quelques instants, il est redevenu un père.

Heureuseme­nt, votre frère aîné a mis fin à tout ce climat d’horreur ?

Mon frère Gilles était un père de substituti­on. Il avait 7 ans de plus que moi. Il n’avait pas peur de mon père. Quand il était à la maison, je me tenais toujours près de lui. Dès que mon père devenait menaçant, il s’interposai­t. Mon père en avait peur. Quand Gilles est rentré du collège une fin de semaine et qu’il a vu la porte défoncée, la tension est rapidement montée entre les deux. Ils étaient dans la cuisine. Mon père a soulevé une chaise comme s’il voulait la casser sur lui, mais il n’a pas du tout bronché. Il lui a dit qu’il faisait peut-être peur à ma mère et aux autres enfants, mais pas à lui.

Et il lui a dit de quitter la maison ?

Carrément, il l’a poussé en bas de la galerie, en lui disant de ne plus jamais remettre les pieds à la maison. Je ne l’ai plus jamais revu, sauf deux fois, dont une alors qu’il était sur son lit de mort. Des rencontres très décevantes qui m’ont confirmé le genre d’homme qu’il était. Un homme malade, paranoïaqu­e, disjoncté, qui avait lui-même connu une enfance difficile.

«Ma Mère s’est fait littéralem­ent arracher le ventre. le coup de feu nous a tous réveillés. c’est Mon frère Gilles qui, en sortant le premier, l’a trouvée dans une Mare de sang.»

 ??  ??
 ??  ??
 ??  ?? Martin Provencher, sa conjointe, Manon Labelle, et leurs enfants, Noah et Liam.
Martin Provencher, sa conjointe, Manon Labelle, et leurs enfants, Noah et Liam.

Newspapers in French

Newspapers from Canada