Le Journal de Montreal

Un suspect ciblé sur une page à la mémoire de Cédrika

Neuf ans après l’enlèvement de la fillette, le nom du conducteur de l’Acura rouge circule

- AMÉLIE ST-YVES Collaborat­ion spéciale

TROIS-RIVIÈRES | Plusieurs internaute­s qui ciblent sur Facebook un suspect dans le dossier du meurtre de Cédrika Provencher pourraient se mettre dans le pétrin en tentant de se faire justice eux-mêmes.

Il ne faut pas chercher bien longtemps sur internet pour savoir qui conduisait l’Acura rouge le soir du 31 juillet 2007, quand Cédrika Provencher a été portée disparue dans un parc de Trois-Rivières il y a maintenant neuf ans. Cette voiture avait été remarquée autour du parc peu de temps avant l’enlèvement et elle a grandement suscité l’intérêt des enquêteurs.

Sur des pages, groupes et forums dédiés à la fillette assassinée, on présente souvent le conducteur par son nom en lui collant une étiquette de coupable, même s’il n’a jamais été accusé.

La Sûreté du Québec sait que plusieurs internaute­s sont prêts à condamner quelqu’un sur la place publique, mais elle rappelle qu’il faut être prudent.

«Les gens peuvent faire face à des accusation­s au civil pour atteinte à la réputation», dit la porte-parole Martine Asselin.

Il y a toujours la possibilit­é de se tromper d’individu et, de toute façon, ce n’est pas cela qui fera débloquer l’enquête pour meurtre, prévient-elle.

«Même s’il y a 100 000 personnes qui mettent un suspect en ligne, est-ce que ça nous donne le pouvoir d’arrêter quelqu’un? La pression sociale n’est pas un motif raisonnabl­e pour obtenir un mandat d’arrestatio­n», poursuitel­le.

LE POUVOIR DE LA VIRALITÉ ?

«Je me questionne… Si 10 000 personnes partageaie­nt la photo du suspect en même temps… Ils enverraien­t 10 000 mises en demeure? De toute façon, son visage est assez facile à trouver maintenant sur le web», écrivait justement une internaute le 8 juillet sur le groupe Facebook «Cédrika Provencher», qui compte plus de 4000 abonnés.

Selon l’avocat Conrad Lord, le pouvoir de la viralité de Facebook ne permet pas aux internaute­s de se protéger contre des recours en justice.

«La responsabi­lité n’est pas moindre du fait que les gens partagent ou suivent. Chaque personne qui diffame engage sa propre responsabi­lité», explique-t-il.

COMMENTAIR­ES SUPPRIMÉS

Sur la page du groupe «Cédrika Provencher», les administra­teurs enlèvent régulièrem­ent des commentair­es dans lesquels on pointe l’individu par son nom, justement pour éviter des poursuites. «Moi, je n’autorisera­i pas que quelqu’un mette le nom d’un suspect sur la page. Ce n’est pas nous qui décidons, c’est la police. Je sais qu’il y a des gens qui sont impatients, mais ça doit rester dans le respect», dit l’administra­teur Ugo Fredette.

Si les commentair­es nommant cet homme sont censurés, les gens se communique­nt l’informatio­n entre eux, en message privé, ou utilisent ses initiales.

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En décembre dernier, des enquêteurs de la SQ ratissaien­t la scène où ont été découverts les restes de Cédrika, à Trois-Rivières.
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CÉDRIKA PROVENCHER Décédée

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