Le Journal de Montreal

Vacances, nature et silence !

- MATHIEU BOCK-CÔTÉ Sociologue, auteur et chroniqueu­r mathieu.bock-cote @quebecorme­dia.com @mbockcote

C’est l’été. Pour la plupart d’entre nous, il y aura quelques semaines de vacances.

Ce sera l’occasion de respirer un peu, loin du boulot, de faire la grève du cadran maléfique et de penser à autre chose que le travail, sauf si, même loin de tout, on demeure encore accroché à son courriel de bureau.

Mais si je parle de vacances, je ne suis pas certain qu’on puisse parler d’un vrai repos. Notre société ne nous le permet pas vraiment.

Pour plusieurs, les vacances seront une source infinie d’angoisse.

ÉPUISEMENT

Il faut trouver un camp d’été pour les enfants ou leur organiser mille activités.

Ou encore, il faut planifier dans le détail un voyage à l’étranger où on ne se laissera pas une seule minute de libre, comme si chaque seconde devait être rentabilis­ée.

Je plains ces touristes qui, arrivés à Rome, à Paris ou à Boston, ne s’accordent pas plus de 45 minutes pour dîner parce qu’ils ne veulent pas déroger à un programme chargé.

Ou alors, on doit s’occuper des tâches remises à plus tard pendant l’année.

C’est fou à quel point la vie est aujourd’hui organisée et planifiée, comme si rien ne devait être laissé au hasard, comme s’il fallait se sentir coupable de ne rien faire.

Quiconque traîne avec lui son téléphone intelligen­t le consultera frénétique­ment. C’est inévitable. Notre conditionn­ement technologi­que est infernal. On suit la nouvelle de l’heure comme si notre vie en dépendait.

On ressent une forme de tension constante, une excitation épuisante et sans objet.

Notre société est en guerre contre le vrai temps libre, celui où on ne pense à rien, celui qu’on sent couler doucement, qui nous sépare peu à peu de la société et de ses tourments.

Le vrai temps libre, c’est celui qui nous pousse à nous demander, un bon matin: quel jour on est, aujourd’hui, déjà?

En fait, nos contempora­ins ne décrochent vraiment que d’une seule manière: lorsqu’ils se replient pour quelques jours ou quelques semaines à la campagne, dans un chalet ou une maison.

Je les comprends. On a beau faire trop souvent de la mauvaise poésie avec la nature, elle marque une coupure physique avec ce qui nous entoure.

SILENCE!

Longtemps, je me suis moqué de ceux qui cherchaien­t la compagnie des arbres. Cette année, je les ai compris.

Car la campagne cache un trésor: le silence! Le divin silence!

Sans lui, rien d’important n’est vraiment possible.

Le silence est une conquête contre le monde ambiant. Il rend possible la lecture, la méditation ou la prière.

Et on en vient à maudire ceux qui le rompent!

Sans lui, on ne peut jamais vraiment décrocher et se délivrer des centaines de petites chaînes visibles et invisibles par lesquelles la société nous garde sous son contrôle.

Il faut pourtant se libérer d’elle de temps en temps, lui rappeler que nos désirs les plus intimes ne lui appartienn­ent pas complèteme­nt.

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