Le Journal de Montreal

À chacun son fusil

Qu’adviendrai­t-il de notre société si une importante crise économique ébranlait le Québec au point de forcer les gens à lutter tous les jours pour leur survie? Si l’avenir dépeint dans Feuilles mortes est plutôt pessimiste, le mélange des genres offre un

- YAN LAUZON

Dans un milieu rural, cinq ans après l’effondreme­nt de notre société, tout le monde a un fusil. Alors que certains habitants défendent leurs acquis, d’autres n’ont aucune gêne à voler. Le troc sous toutes ses formes (des services sexuels contre des lapins, par exemple) est l’élément primordial pour se procurer différents biens. Parmi toutes ces âmes «en mission», il y a Bob (Roy Dupuis), vagabond qui apprécie la solitude, Léon (Philippe Racine) et ses charognard­s qui agissent en bandits, ainsi que Marianne (Noémie O’Farrell), aux prises avec un démon intérieur.

La force de Feuilles mortes réside en grande partie dans l’impact qu’ont les personnage­s féminins. Prêtes à se défendre, se venger et mener les choses à leur façon, elles forcent l’admiration. Vedettes d’une courte, mais intense scène qui s’apparente à celle de torture dans Les sept jours du Talion, Marianne et son sang-froid l’emportent sur un drame personnel. Ébranlée par la mort de membres de sa bande, Camille (Mélody Minville) impose le respect en s’investissa­nt corps et âme dans une quête de vengeance. Pétillante et naïve, la jeune Josée (Audrey Rancourt-Lessard) ne s’en laisse quant à elle pas imposer, même si tous la voient comme une enfant.

Malheureus­ement, on ne peut en dire autant des «survivants» masculins. À l’exception du loup solitaire campé par Roy Dupuis (encore une fois très convaincan­t), les hommes n’ont pas le panache nécessaire pour cette vie dans laquelle il faut mener un combat de tous les instants. Plusieurs donnent même dans la caricature, comme le maire du village qui ne défend que ses propres intérêts.

Lueur d’espoir

Si on peut aussi reprocher aux réalisateu­rs et scénariste­s Édouard A. Tremblay, Thierry Bouffard et Carnior – alias Steve Landry – un univers pas aussi vaste que souhaité et des réactions superficie­lles malgré une vie à laquelle les protagonis­tes sont confrontés depuis cinq ans déjà, l’insertion d’éléments comiques (merci à Audrey Rancourt-Lessard et à Roy Dupuis qui chante!) et de scènes touchantes (grâce à l’empathie des personnage­s) fait constammen­t briller une agréable lueur d’espoir.

Pas de doute: le pari qu’ont fait les trois hommes d’écrire et de réaliser chacun une histoire pour mettre en commun leurs idées dans un premier long métrage était casse-cou. Mais à la vue de Feuilles mortes, il faut admettre que le risque en valait le jeu.

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