Dormir plutôt que soigner un patient
Un médecin de garde de nuit à l’hôpital de Coaticook a refusé de voir un patient «souffrant» à l’urgence pour dormir encore cinq heures et être en forme le lendemain matin, lui qui devait conduire ses fils à des activités sportives.
«Je me suis mis sans mauvaise intention dans une situation périlleuse», a avoué le Dr Steven Monette devant le conseil de discipline du Collège des médecins du Québec (CMQ), hier.
Ce médecin de famille a plaidé coupable à trois chefs d’infraction pour un manque de suivi auprès d’un patient de l’urgence, dans la nuit du 5 au 6 décembre 2013.
PATIENT « TERRORISÉ »
Vers 1h45, Richard Hébert – qui a accepté d’être nommé dans Le Journal – s’était présenté avec de vives douleurs aux jambes (pas de pouls aux pieds). En raison d’un lourd passé médical, le patient de 43 ans était «terrorisé» à l’idée de perdre ses jambes, a dit le syndic.
Après l’évaluation, une infirmière a appelé le Dr Monette, qui dormait dans la salle de repos. Bien qu’il était l’unique médecin sur place – et malgré l’insistance de l’infirmière –, il a refusé de se déplacer.
«Elle s’est fait retourner comme une crêpe», a illustré Me Jo Ann Zaor, avocate du syndic.
Au téléphone, le médecin a demandé qu’on soulage le patient avec de la morphine, malgré une «allergie potentielle». Il a ensuite dit à l’infirmière de «ne pas le rappeler durant la nuit à moins d’une détérioration de l’état des pieds du patient», lit-on dans la plainte.
«Je n’ai pas contacté le médecin, car j’avais très peur de sa réaction. Je ne voulais pas me sentir intimidée de nouveau», a témoigné l’infirmière au syndic.
IL VOULAIT DORMIR
Hier, le Dr Monette a dit qu’il devait se lever tôt pour conduire ses fils à des activités sportives.
«J’étais préoccupé par la charge de mes obligations dans les heures à venir, j’espérais dormir quelques heures», a-t-il dit, ajoutant avoir changé sa pratique depuis les événements.
Sans chercher d’excuses, le médecin a souligné que «la conciliation travail et famille est un véritable tour de force».
Durant la nuit, l’infirmière responsable a dû contacter un autre hôpital pour être conseillée. C’est elle qui a porté plainte au CMQ. Selon le syndic, elle était «furieuse» contre le médecin.
À 6h45, le Dr Monette s’est rendu au chevet du patient. Atteint d’une ischémie aiguë – manque de sang qui peut entraîner l’amputation –, l’homme a été transféré rapidement aux soins intensifs de Sherbrooke. Heureusement, il ne garde pas de séquelles.
Le syndic recommande une radiation de huit mois, et la défense a suggéré trois mois. Le médecin n’avait pas d’antécédents disciplinaires.