Le Journal de Montreal

La bourde de Barrette inexcusabl­e

- Lise Ravary

Toutes les excuses au monde ne peuvent laver complèteme­nt la faute grave que le ministre Gaétan Barrette a commise quand il a suggéré, sans le dire explicitem­ent, que Pauline Marois et le Parti québécois portent une part de responsabi­lité dans l’attentat du Métropolis.

Je suis incapable de faire une autre lecture de ses propos incendiair­es.

Que faut-il comprendre d’autre de cette déclaratio­n lancée, en anglais, lors d’un point de presse hier: «Comme politicien, on ne veut pas voir ça arriver. J’aurais aimé ne pas voir ça arriver. Mais c’est la société, quand vous faites trop bouger les choses, des choses comme ça peuvent arriver.»

Que voulait-il dire par trop faire bouger les choses? Promouvoir la souveraine­té? Élire une femme première ministre? Défendre le Québec, sa langue et sa culture?

LE PQ N’EST PAS RESPONSABL­E

Je ne briguerai jamais la présidence du fan-club de madame Marois, mais rien dans son discours ni dans le discours péquiste n’a jamais dépassé les bornes de ce qui est acceptable en démocratie. Tous les mouvements sécessionn­istes n’ont pas le même respect des règles sacrées de la démocratie que le PQ, sans doute le plus bel héritage de René Lévesque.

Quelle mouche a donc piqué le Dr Barrette pour qu’il se permette de dire de telles bêtises?

«On doit s’assurer (comme politicien­s) que les arguments que nous utilisons et que les discours que nous donnons sont mesurés.» On serait tenté de lui répondre: «Docteur, soigne-toi toi-même». Gaétan Barrette n’est pas connu pour ses discours mesurés!

Le ministre de la Santé n’en est pas à ses premiers écarts de langage. Personne ne peut nier son intelligen­ce supérieure, mais celle-ci s’est toujours accompagné­e d’une dose mortelle d’arrogance et de mépris pour ses ennemis qui finit toujours par le faire trébucher.

À ce jour, il s’est toujours bien tiré d’affaire en tant que joueur principal du gouverneme­nt libéral, mais je ne vois pas comment Philippe Couillard peut tolérer dans son caucus un ministre qui offre sur un plateau d’argent un permis de chasse à des frustrés délirants comme Richard Henry Bain.

Non, des excuses ne suffisent pas. Le contexte unique des événements du Métropolis, le premier attentat politique de l’histoire du Québec moderne, impose une retenue exemplaire, par respect pour l’histoire, pour la première ministre qui était visée et pour les victimes.

Bain a été trouvé coupable de meurtre au second degré. (Pas exactement une version «coloniale» de la justice, comme le suggérait Biz de Loco Locass sur Twitter.) Le jury n’a pas cru sa défense d’aliénation mentale. Lui, et lui seul, est responsabl­e de ce qui s’est passé ce soir-là. Personne ne lui a mis des armes dans les mains, personne n’a piétiné ses droits à un point tel que la vengeance s’impose comme seul remède à son malheur, personne d’autre que lui n’est responsabl­e de sa haine des «séparatist­es».

Prétendre le contraire est une injure aux Québécois qui, en 2012, ont élu Pauline Marois première ministre du Québec dans les règles de l’art.

DÉFICIT DE CRÉDIBILIT­É

Imaginons un instant qu’un politicien républicai­n aurait fait un tel commentair­e à la suite de l’assassinat de John F. Kennedy ou de son frère Bobby.

Je crains que Philippe Couillard ne passe encore une fois la brosse à reluire sur l’ego monstrueux de son ministre.

Mais après une telle bourde, et malgré ses excuses qui semblent sincères, comment le ministre Barrette peut-il espérer conserver la moindre miette de crédibilit­é en tant que parlementa­ire et membre d’un gouverneme­nt qui, aux yeux de plusieurs Québécois, a justement trop fait bouger les choses?

S’il conserve son ministère, Gaétan Barrette doit bâillonner son Donald Trump intérieur.

Le ministre de la Santé n’en est pas à ses premiers écarts de langage

 ??  ??
 ??  ??

Newspapers in French

Newspapers from Canada