Bain le tueur
Pendant un moment, le procès de Richard Henry Bain a semblé virer au cirque. Bain allait-il le faire déraper et s’en tirer avec le genre de pirouette psychiatrique à la mode chez les juristes?
Celui qui, en septembre 2012, est arrivé surarmé au grand rassemblement de la victoire du Parti québécois avec l’intention de faire un carnage a finalement été reconnu coupable de meurtre non prémédité.
Quatre ans après les événements, on n’a jamais trop su quoi penser de Bain.
Manifestement, son geste était motivé politiquement. Il détestait les indépendantistes, lui, «l’amoureux du Canada».
TERRORISME ?
Pouvait-on néanmoins parler de terrorisme? Le terrorisme a quand même quelque chose de collectif. Lorsque nous sommes devant un acte isolé, le terme ne semble pas vraiment convenir. Chose certaine, c’était un fanatique. On a tendance à prendre Bain pour un malade mental. Normal. On se souvient de sa première apparition devant les caméras, en robe de chambre et cagoule. Il avait une tête de vrai fou, de maniaque sanguinaire hurlant son cri de guerre comme un égaré de l’asile.
Avec sa cagoule et sa robe de chambre, il n’avait pas exactement l’allure d’un commando entraîné pour les missions les plus périlleuses.
La violence politique est difficile à penser au Québec. Si on se compare au reste du monde, elle est globalement absente de notre histoire.
Évidemment, il y a eu la crise d’Octobre en 1970. Mais on ne saurait oublier que les deux référendums, ceux de 1980 et de 1995, se sont tenus dans un climat pacifique. Malgré le résultat serré de 1995, il n’y a eu aucun coup de feu.
Le Québec est le pays de la révolution tranquille.
C’est peut-être pour cela que nous avons tout fait pour étouffer la signification du geste de Bain.
Collectivement, nous voulions y voir un fou, pour l’empêcher de troubler notre quiétude.
En fait, plus il était fou, et plus cela nous rassurait.
Mais on s’est aussi demandé s’il nous bluffait. Ce sinistre personnage a-t-il mis en scène une folie passagère, comme on dit, pour ne pas payer le prix de ses actes?
D’ailleurs, le verdict de ce procès n’est pas sans agacer légitimement bien des gens.
PRÉMÉDITÉ ?
On se demande comment un homme armé, passé à deux doigts d’un assassinat de masse, peut être accusé de meurtre non prémédité.
On nous répète que c’est un terme juridique très subtil.
Mais spontanément, le bon sens se demande: qu’aurait-il dû faire pour que son crime soit prémédité? Écrire à l’avance le nom de chacune de ses victimes? Prévoir quelle partie du corps il pensait viser?
On comprend le commun des mortels de douter du système de justice. Il donne l’impression de chercher à dissoudre toujours le plus possible la responsabilité individuelle.
Le commun des mortels manque peutêtre de subtilité, mais pas de bon sens. Et quand il fait de moins en moins confiance à la justice, il faut le prendre au sérieux.
Le procès Bain n’a certainement pas aidé.