Nos Donald Trump locaux
Un Régis Labeaume échauffé qui s’en prend aux chauffeurs de taxi au spectacle de Céline Dion; Gaétan Barrette qui doit encore s’excuser; des animateurs de radio qu’on croyait destinés à l’oubli qui renaissent de leurs cendres dans le marché de Québec.
L’approche consistant à gueuler d’abord et réfléchir ensuite ainsi que les limites extensibles du concept de «gaffe de trop» connaissent au Québec un certain succès.
PAS AUSSI EXTRÊME
Certes, aucun de nos politiciens locaux ne s’approche même des propos intolérants qu’on a pu entendre dans la bouche de Donald Trump. Chez Jeff Fillion et André Arthur, c’est moins clair.
Demeure qu’ici aussi il existe une propension à penser que, plus une personne parle de manière tonitruante, plus elle est authentique et, ainsi, digne de confiance. Est-ce vraiment le cas? Prenons Régis Labeaume. Sous ses revers un peu rêches, il suscite une réelle adhésion chez les gens de Québec.
Il est – je le trouve moi-même – plutôt attachant. «En tout cas, il l’a pas envoyé dire», entend-on souvent, pour saluer une forme de courage dans sa défense de ses concitoyens.
PAS DU COURAGE
Pourtant, on le remarque peu, mais quand Régis Labeaume s’en prend à une personne ou à un groupe, ce sont généralement des gens envers qui l’opinion publique est déjà défavorable.
Qu’il s’agisse de Marcel Aubut, des cols bleus, des cols blancs et de leurs syndicats ou des chauffeurs de taxi, le maire de Québec se montre toujours courageux quand vient le temps d’enfoncer des portes ouvertes.
Cela dit, quand c’est le moment de critiquer le Port de Québec qui fait pousser deux immenses tétons sur notre bord de mer, Régis bougonne un peu puis redevient doux comme un agneau.
PAS AUTHENTIQUE
Il y a du spectacle dans ces sorties tapageuses. Il y a surtout une incapacité de se remettre en question et d’assumer ses contradictions.
C’est ce que fait Donald Trump quand on le met devant le fait qu’il parle des deux côtés de la bouche.
Il accuse ses détracteurs d’être des menteurs.
La vie était belle pour les animateurs de radio avant l’internet. Jamais personne n’était là pour les placer devant leurs contradictions. Maintenant, c’est différent. Vous avez entendu André Arthur déclarer que ça prenait un «écoeurant» issu d’une tribu primitive pour nier le droit à la présomption d’innocence de Nathalie Normandeau?
Bien hâte de voir comment il réconciliera ça avec sa déclaration de 2003, repêchée par le professeur Marc-François Bernier: «Eille, la présomption d’innocence, c’est un concept juridique, ce n’est pas un principe humain et ce n’est pas un principe journalistique et ce n’est pas un principe social. Ce qui compte, pour le citoyen, c’est la réalité, pas la présomption d’innocence.»
C’est ce qu’il y a de rassurant avec les Donald Trump de ce monde.
Tôt ou tard, ils croulent eux-mêmes sous le poids de leurs contradictions.