Le Journal de Montreal

À commerçant prolifique

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naient de Service Canada. J’ai été honnête et je lui ai dit.»

Pendant ce temps, il tente de faire venir sa famille, mais les démarches d’immigratio­n sont longues.

Ce n’est donc qu’en janvier 1993, par un froid glacial qui contraste durement avec la chaleur du Vietnam, que sa femme et ses enfants débarquent à l’aéroport de Mirabel.

«Quand je l’ai vu, ce n’était pas un inconnu. J’ai foncé dans ses bras», explique sa fille Marie Tran, qui avait cinq ans et n’avait alors vu son père qu’en photos et en vidéo.

En plus de son travail, ce dernier prenait le temps de traduire tous les devoirs de ses enfants en attendant qu’ils puissent se débrouille­r eux-mêmes en français, se souvient-elle.

Au restaurant, le père de famille continue de monter les échelons. Il devient gérant de la succursale, puis propriétai­re de 10 % de la franchise. L’ancienne administra­tion avait de la difficulté à appréhende­r les différence­s d’achalandag­e et le nombre de beignes à préparer. Il a donc pris des notes, fait des statistiqu­es et il a ainsi réussi à rééquilibr­er le budget du restaurant.

En 2000, il a complèteme­nt racheté la succursale à celui qui était à l’origine son patron, avant d’ouvrir une deuxième succursale ailleurs à Sherbrooke.

«Il était vraiment à l’écoute, autant des employés que des clients, souligne Marie Tran, qui a elle-même travaillé dans la succursale pendant son adolescenc­e, tout comme ses deux frères. Toute opportunit­é était vue comme une chance à saisir. Être pâtissier chez Dunkin, c’était une opportunit­é pour lui, même si en réalité il était surqualifi­é.»

DisParitio­n

Le hic, c’est que la chaîne Dunkin Donuts, qui comptait 200 succursale­s au Québec dans les années 1990, était en train de perdre beaucoup de plumes, notamment en raison de l’arrivée de Tim Hortons. Il ne reste aujourd’hui que trois succursale­s au Québec, toutes situées à Montréal. Comme les autres, M. Tran a vu sa clientèle fondre et il a dû fermer ses deux restaurant­s en 2010 et 2012. Il estime avoir perdu 400 000 $.

Aucun propriétai­re, aussi talentueux soit-il, n’aurait pu sauver la franchise, estime sa fille Marie.

«La réalité, ce n’est pas toujours comme les calculs», soupire M. Tran.

Il est tout de même fier de ce qu’il a accompli. «Même comme réfugié aux mains nues, j’ai toujours pu travailler. [...] Des fois, le malheur, c’est une chance. On ose surmonter les difficulté­s», dit-il.

M. Tran et sa femme possèdent maintenant une petite tabagie, un commerce aux revenus modestes, mais suffisants.

il aDoPte ses neveux

Même s’il ne peut donner des millions de dollars à des fondations comme le font les riches entreprene­urs, il a sa façon à lui de redonner. Dans les années 2010, il a adopté deux nièces et un neveu qui étaient orphelins au Vietnam. Ils poursuiven­t aujourd’hui leurs études au secondaire ou au cégep.

Ses plus vieux enfants sont tous allés à l’université et sont dentiste, médecin et avocate.

«Il ne faut pas gaspiller le talent. Ici, on peut le développer et l’exploiter si on fait des efforts. Là-bas [au Vietnam], les efforts, ça ne marchait pas. J’ai fait le bon choix en venant ici», conclut-il trois décennies après avoir quitté son pays natal.

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Nha Tran et sa femme Tuyet Do, dans Van leur tabagie de la rue King, à Sherbrooke. En mortaise: M. Tran devant une de ses succursale­s de Dunkin Donuts, en 2009.

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