Le premier mariage ( 1647 )
C’est un grand moment: le 3 novembre 1647 a lieu le premier mariage célébré à Ville-Marie. Oui, il a fallu attendre cinq ans! Il y avait une proportion de 19 hommes pour 1 femme. Et il s’agissait soit de filles trop jeunes pour se marier, soit de nonnes obligées à la chasteté, soit de femmes déjà mariées au moment d’arriver en ville. On comprend mieux l’ardeur de certains hommes à aller commercer avec les Amérindiens, dont la population était pour moitié composée de femmes! Comment ne pas jalouser ces Amérindiens qui, eux, fondaient des familles, comme des êtres humains normaux, et non pas comme des engagés qui risquaient leur vie et vivaient sans femme?
Ce manque chronique de femmes explique pourquoi on fera venir plus tard les Filles du Roy afin de combler un déficit qui menaçait la pérennité de Ville-Marie. Chose certaine, l’absence de femmes a aussi incité les jeunes hommes à se lancer à l’aventure vers les terres inconnues. Ce déséquilibre des sexes dans la population permet-il d’expliquer, au moins en partie, l’incroyable témérité et la curiosité insatiable de certains de nos grands voyageurs?
En ce qui concerne ce mariage entre Mathurin Meunier et Françoise Fafard, pourquoi ne pas commencer par la fin, c’est-à-dire par évoquer certains de leurs descendants? Les chanteuses Céline Dion et Madonna descendent toutes deux de ces époux montréalais originels, tout comme les trois acteurs principaux de la série télévisée Tout sur moi, Éric Bernier, Macha Limonchik et Valérie Blais, ainsi que René Lévesque, Pauline Marois et Thomas Mulcair.
Bien sûr, au moment de célébrer, dans l’enceinte du fort de Montréal, ce mariage qui donnera naissance à six enfants, on ne sait encore rien de ce futur lointain et totalement inimaginable.
L’orthographe n’était pas une préoccupation à l’époque et il est amusant de constater que les documents officiels comportent tous une version différente du même nom de Meunier. Mathurin Meunier s’appelle «Lemonnier» à son mariage, mais l’acte de mariage indique aussi «Monnier». Plus tard, au baptême de son fils aîné, on trouve «Meusnier». Au mariage de sa fille, c’est «Musnier». Et avant son départ pour la Nouvelle-France, les documents français disaient «Le Mousnier».
LES ÉGLISES TRÈS CONVOITÉES
Encore aujourd’hui, les églises du Vieux-Montréal demeurent convoitées pour les mariages et les baptêmes des grands de ce monde et des célébrités. Pour les occasions solennelles, on ressent le besoin de s’inscrire dans la durée. Pensons à Céline Dion, descendante des Meunier, qui s’est mariée dans le Vieux-Montréal, y a fait baptiser son fils et célébrer les funérailles de son mari.
Combien de réceptions de mariage ont eu lieu à l’auberge Saint-Gabriel? Moi-même, mon premier mariage a eu lieu à la chapelle Notre-Dame et fut suivi d’une cérémonie à l’auberge Saint-Gabriel!
Il est sans doute aussi difficile pour nous d’imaginer le Montréal de 1647, qui ne s’appelle pas encore Montréal, mais Ville-Marie, que pour les époux Meunier de concevoir les années 2010...
Alors que les vieilles pierres du Montréal historique, pourtant si jeunes en comparaison de celles de Paris, Rome ou Jérusalem, nous semblent chargées d’années, le sol de l’époque et les environs étaient encore vierges. Rien n’était assuré. Notre réalité présente aurait paru totalement invraisemblable aux yeux de nos aïeux auxquels nous devons tant, pour ne pas dire tout.