Hommage à Daudet et à l’Acadie
Inspirée par Alphonse Daudet et ses Lettres de mon moulin, qui ont marqué son entrée en littérature, la grande écrivaine acadienne Antonine Maillet rend hommage à ce complice de longue date d’une manière unique, colorée et touchante dans Lettres de mon phare, son nouveau recueil.
Ce recueil de récits comptant une vingtaine de textes décrit tout le plaisir qu’elle a de passer l’été dans son repaire acadien. Antonine Maillet, avec son humour plein de finesse, décrit les visites qu’elle a reçues, des histoires de marins et de baleines, d’habitants du haut et du bas de la «track».
Dans chacun de ces textes magnifiques, elle revisite des thèmes qui lui sont chers avec maîtrise et une éternelle fraîcheur: l’écriture, la création d’un personnage, la force de la nature, la vie, la mort, les soucis et les joies.
Son livre a été lancé à Moncton avec beaucoup d’emphase. «C’est même le plus gros lancement que j’aie eu depuis celui de La Sagouine, il y a 40 quelques années! C’est un livre qui parle beaucoup aux Acadiens, et beaucoup de monde me connaît làbas. En plus, ça a été très bien organisé par des libraires très débrouillards», commente-t-elle, en entrevue, peu après son retour à Montréal. «Ils ont manqué de livres et ils ont manqué de place. J’étais ravie!»
LE GOÛT DE LA LITTÉRATURE
Antonine Maillet rappelle à quel point Alphonse Daudet lui a donné le goût de la littérature. «J’offre la première lettre à Daudet. Je dis qu’un vendredi après-midi, la maîtresse nous a lu La dernière classe d’Alphonse Daudet, qui était dans Les contes du lundi. J’ai été tellement émue par cette histoire. En Acadie, à ce moment-là, on ne savait pas si on n’était pas passibles, nous aussi, de voir notre dernière classe de français. Je l’ai pris personnel, dans un sens.»
Mais c’est la façon de le dire qui l’a bouleversée. «J’ai appris que ce n’est pas l’histoire qui est importante: c’est l’art de la raconter. Et Daudet est un as là-dedans. Je l’ai senti: c’était la première fois que j’ai compris la littérature et je suis rentrée en littérature ce jour-là. Je devais avoir 10 ou 11 ans.»
UN HOMMAGE
Lettres de mon phare rend hommage à ces gens de l’Acadie, à leur manière d’être, de raconter des histoires, de s’interpeller entre eux, à leur imaginaire très riche, à la beauté de leur langue, aux vieux mots français qu’ils utilisent et à ceux qu’ils ont réinventés, comme le «roulis de neige» au lieu du banc de neige.
L’écrivaine de 87 ans est touchée par le rythme, l’harmonie et la beauté de la langue acadienne. «Il y a quelque chose de beau de dire “baragouiner” au lieu de dire parler pour rien dire. On peut en citer des centaines comme ça. [...] Je suis amoureuse des mots et je dis qu’un écrivain qui ne l’est pas ne mérite pas d’être écrivain. Je ne peux pas imaginer un musicien qui n’est pas amoureux des sons ou un peintre qui n’est pas amoureux des couleurs et des formes.»
DU RÉEL ET DE L’INVENTÉ
Les personnages comme Jos Sullivan et Jimmy Lanteigne ont vraiment existé. «Je n’ai pas inventé de noms. Ce sont des personnes réelles. J’arrondis les coins, j’en ajoute, je fais des choses avec, mais je pars d’une histoire vraie.»
Elle a eu «un plaisir fou» à écrire ces lettres délicieuses.
«Je n’ai pas été à sec. Il y avait tellement de matériel, tellement de lettres possibles... on ne les a pas toutes publiées.» Celle qu’elle trouve la plus harmonieuse, la plus poétique, est celle de la Complainte du soldat inconnu, «un hommage à la paix».
» La renommée d’Antonine Maillet, née en 1929 à Bouctouche, s’étend dans toute la francophonie. » Elle est en train d’écrire un livre où elle se raconte. «C’est la première fois qu’un livre sera tout au “je”.» » En novembre, elle recevra la médaille de la Confédération, à Charlottetown, pour sa contribution au Canada.