Le Journal de Montreal

Dans l’univers louche des profiteurs

- MArIE-FrANCE BOrNAIs

Avec son extraordin­aire talent de conteur et son sens de l’humour très fin, parfois cynique, l’incomparab­le Yves Beauchemin partage avec Les Empocheurs la savoureuse histoire de Jérôme, un jeune bachelier en lettres qui décide d’entrer dans un univers louche de profiteurs après s’être fait rouler par deux arnaqueurs.

Savamment construit, superbemen­t écrit, avec une langue vivante, un esprit vif, un humour fin et une connaissan­ce remarquabl­e de l’humain, Les Empocheurs marque le retour de ce très grand écrivain. Cynique et moqueur, il s’en donne à coeur joie dans ce roman traitant d’argent, d’ambition, de désillusio­n et de corruption, qu’il a mis presque quatre ans à écrire.

«Je me suis gardé de faire des recherches sur tout personnage politique qu’il y a dans le livre parce que ça ne m’intéresse pas. Mais l’image publique que projettent certaines personnes, ça, je m’en sers, parce que l’image publique appartient à tout le monde», note-t-il en entrevue. «Ça inclut le premier ministre, que j’ai constitué de deux ou trois premiers ministres.»

Jérôme se laisse entraîner dans un monde où l’argent et le pouvoir sont maîtres. «On est dans un monde de possédants qui ne sont pas nécessaire­ment très raffinés et qui ont un front de boeuf. Si ça rappelle quelque chose à quelqu’un, c’est pas de ma faute!» remarque l’auteur.

OEuvrEs uNIvErsELL­Es

Yves Beauchemin explique qu’il s’intéresse beaucoup à la politique. «J’ai longtemps travaillé dans le dossier de la langue, la loi 101, et dans le dossier de la charte. Je suis très touché par cela, en tant que citoyen et en tant que militant indépendan­tiste.»

Il considère le métier d’écrivain comme un métier d’artiste. «Ce n’est pas le rôle d’un romancier de défendre les thèses politiques, tout simplement parce que ça fait des oeuvres qui vieillisse­nt très vite et qui ont une portée limitée. Et il y a des façons plus efficaces de défendre ses valeurs. J’essaie d’écrire des romans qui pourraient être lus par tout le monde, y compris en traduction.» Le matou, d’ailleurs, a été traduit en chinois il y a deux ans.

«Jérôme, c’est un peu moi quand je suis sorti de la Faculté des lettres à l’Université de Montréal», dit-il. Et là s’arrête la comparaiso­n. «Jérôme aime la belle vie... et, dans sa définition de la belle vie, ça prend beaucoup d’argent. Il y a aussi une question de revanche: il s’est fait rouler deux fois, alors il s’est dit: c’est comme ça qu’il faut se comporter? Ok! Je vais me mettre du côté de ceux qui roulent plutôt que du côté de ceux qui se font rouler. Mais il a beaucoup de remords.»

HyMNE À LA JEuNEssE

L’auteur de plusieurs romans à succès — L’enfirouapé, Le matou, Juliette Pomerleau — confie que l’écriture est toujours un défi, même s’il publie depuis 40 ans. «C’est comme le plaisir de bâtir une maison par gros soleil: on sue, on force, et on a la satisfacti­on de voir que la maison monte, tranquille­ment. Si je détestais ça, je ne le ferais pas. Mais je ne me vois pas faire autre chose, à part prendre ma retraite et mourir. J’ai quand même 75 ans et j’essaie de préserver ma vitalité.»

Il décrit son roman comme une sorte d’hymne à la jeunesse. «Je n’avais vraiment pas le goût, à mon âge, d’écrire un roman sur la vieillesse. J’ai pas le goût, j’ai pas envie. Déjà que je dois vivre ça moi-même... J’ai une grande nostalgie de ces années-là. C’est un hommage à l’énergie, à la beauté de la jeunesse, qui est accompagné­e d’un manque d’expérience, c’est inévitable.»

» En librairie le 28 septembre. » Yves Beauchemin est une figure marquante de la littératur­e québécoise. » On lui doit L’enfirouapé, Le matou, Juliette Pomerleau, Charles le Téméraire et La serveuse du café Cherrier, entre autres.

Les Empocheurs Yves Beauchemin Éditions Québec Amérique 410 pages

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