Partage d’informations personnelles excessif
Le commissaire à la vie privée dénonce la loi C-51
OTTAWA | Le partage de renseignements personnels entre ministères fédéraux en vertu de la controversée loi C-51 sur le terrorisme est «excessif» et met en danger les citoyens ordinaires, selon le commissaire à la vie privée.
C’est le constat que pose le chien de garde de protection à la vie privée des Canadiens, Daniel Therrien, dans son rapport annuel déposé hier aux Communes.
Le commissaire rapporte que 17 agences gouvernementales et ministères fédéraux ont partagé entre eux des renseignements personnels de citoyens à 110 reprises depuis l’entrée en vigueur de la loi, en juin 2015, qui confère plus de pouvoirs aux espions canadiens.
« NORMES JURIDIQUES »
Même si les ministères ont fait valoir que ces renseignements se rapportaient à des personnes soupçonnées de présenter une menace à la sécurité, le commissaire déplore le manque de balises juridiques pour s’assurer que les citoyens respectueux des lois ne soient visés.
«L’inquiétude vient du fait que la loi telle que rédigée permet un échange à mon avis excessif dans le but d’identifier les menaces à la sécurité nationale. L’objectif est tout à fait légitime, mais pour arriver à la détection de menaces à la sécurité nationale, le gouvernement s’est donné, à travers cette loi-là, un outil pour échanger à peu près tous les renseignements que détiennent l’ensemble des ministères fédéraux», fait valoir M. Therrien. «Alors, c’est à mon avis excessif et si on modifiait cette loi-là pour rehausser les normes juridiques, on pourrait continuer à réaliser l’objectif du gouvernement, tout en protégeant les citoyens ordinaires», a-t-il poursuivi.
Le commissaire donne l’exemple de citoyens qui voyagent dans certaines régions du monde de façon légitime et dont les renseignements pourraient être colligés et échangés dans le but d’identifier des risques à la sécurité nationale.
«On devrait à mon avis avoir des normes juridiques qui font en sorte que l’échange peut se faire lorsqu’il est nécessaire, mais que ces renseignements-là ne soient pas échangés, et ne soient certainement pas gardés indéfiniment lorsqu’ils traitent de personnes qui respectent la loi et qui n’ont rien à se reprocher au niveau de la sécurité nationale», précise-t-il.
CONSULTATIONS
Le commissaire critique aussi les consultations publiques sur la sécurité nationale, qu’a récemment annoncées le gouvernement Trudeau qui a promis de modifier la loi C-51. Selon M. Therrien, ces consultations mettent l’accent sur les défis que pose la sécurité nationale pour le gouvernement, mais laisse de côté la question des droits de la personne.
Le ministre de la Sécurité publique, Ralph Goodale, a dit prendre au sérieux les préoccupations soulevées par le commissaire. Il a aussi assuré que les consultations lancées sur la sécurité nationale ne se voulaient pas «étroites».