Le Journal de Montreal

son LIVRE LUI FAIT PEUR

Anne-France Goldwater craint les réactions à sa biographie

- VALÉRIE GONTHIER VGonthierJ­DM valerie.gonthier @quebecorme­dia.com

Enfant solitaire, orpheline de mère élevée par un père violent et absent. Peu de gens connaissen­t les détails du passé d’AnneFrance Goldwater avant qu’elle ne devienne l’avocate populaire si controvers­ée. Mais à l’aube de la sortie de son livre où elle s’ouvre sur son enfance difficile, celle qui n’a pourtant jamais peur de donner ses opinions tranchante­s et de se faire entendre craint la réaction du public quant à son passé éprouvant.

Pourquoi avoir décidé d’écrire un livre sur votre vie ? Il y a des sujets dont on ne parle pas. C’est comme demander à un soldat comment il a vécu la guerre. Il ne veut pas en parler. Ça peut prendre des années avant qu’il ne le fasse. J’ai été invitée à plusieurs reprises à écrire un livre. Des gens y voyaient une utilité pour des personnes qui passent à travers certaines épreuves, de leur dire qu’on n’est pas condamné à échouer dans la vie après avoir eu une enfance difficile. J’ai résisté pendant cinq ans parce que je savais que de faire l’exercice serait extrêmemen­t pénible. Avant de commencer l’exercice, je me suis assurée d’entreprend­re une thérapie. Il y a le fait de se rappeler ce qui est pénible, puis d’en parler et de réaliser que ça va être dans un livre. J’ai pensé plusieurs fois à arrêter le projet. J’espère ne pas le regretter. Pourtant, vous n’avez pas l’habitude de demander la permission avant de prendre la parole. Que craignez-vous ? On parle quand même de ma vie. Et les gens se permettent n’importe quels commentair­es par rapport à n’importe qui. Avec une biographie, ça ouvre la porte à l’attaque. Là, je peux être jugée sur qui je suis, pourquoi j’ai eu tel chum, pourquoi je suis allée à telle école. N’importe quoi peut être l’objet d’attaques. J’espère que je n’aurai pas à regretter mon choix. Et actuelleme­nt, à l’aube du lancement du livre, c’est de ça dont j’ai peur. Parce que ma vie, c’est ma vie. J’ai essayé de composer avec mes réalités du mieux que je pouvais. Alors si vous ne m’aimez pas, profitez de la liberté que notre pays démocratiq­ue vous accorde et n’achetez pas mon livre, ne le lisez pas et gardez votre haine pour vous-même! À quel point l’opinion des autres vous affecte-t-elle ? Je sais qu’à cause de mon caractère, il va toujours y avoir du monde qui m’aime beaucoup tout comme il y a du monde qui me hait à mort. On m’a déjà dit que c’était le phénomène de Don Cherry: on l’aime ou on le hait, mais on n’est jamais indifféren­t. Dans la période d’Éric et Lola (voir encadré p. 22), ç’a été épouvantab­le. À l’époque, Lola était jugée parce qu’elle était trop belle. J’ai pris le relais, pour qu’elle n’ait plus à parler sur la place publique et les attaques ont redoublé à mon égard. Je n’en revenais pas. Et aujourd’hui, avec les réseaux sociaux, les gens disent n’importe quoi. Le traitement des femmes sur les réseaux sociaux est pire que le traitement que les femmes reçoivent de la main de Donald Trump. Et je me demande à quel moment ça va devenir un tort civil de s’attaquer à des femmes comme certaines personnes se le permettent. Quels aspects de votre vie susciteron­t le plus de réactions selon vous ? Peut-être le fait que je sois devenue avocate si jeune, dans des circonstan­ces si pénibles, que mon père meure alors que je terminais mes examens du Barreau, enceinte de ma fille. Et je n’ai rien lâché. J’avais un examen une semaine après la mort de mon père et je l’ai réussi, comme tous mes examens. Qu’est-ce qui vous rend le plus fière dans votre vie ? Mes enfants. Je ne savais pas ce que c’était d’avoir une maman, alors encore moins d’être une maman. D’avoir les enfants que j’ai, d’être à ce point fière d’eux, mon garçon, ma fille, mon beau-fils aussi, quel bel homme! Mes petits-enfants aussi. De voir notre relation rapprochée, notre complicité, que mes enfants apprécient aussi beaucoup mon conjoint, qui n’est pas leur vrai père. Et aussi que mes deux ex et lui s’entendent bien. Tout ça, pour moi c’est une réussite. J’ai bâti une vie intime, en dépit de certains échecs. Au sein de ma famille biologique, il y a toujours eu une intensité de chicane que j’ai beaucoup regrettée. Après 35 ans comme avocate, vous indiquez dans votre livre songer à vous tourner vers autre chose. Quels sont vos projets d’avenir ? Mairesse de Montréal ? Non, pas pour l’instant. Comme tout le monde le sait, je pense à la politique. Mais je veux m’assurer que ma décision soit posée. Je veux que ça apporte quelque chose, qu’il y ait une utilité à ma démarche. Ça représente­rait une perte énorme de passer de la pratique privée à la politique. Alors pourquoi faire un sacrifice économique juste pour la gloire? Je voudrais sentir que j’apporte des choses sérieuses à la communauté. Ma crainte par rapport au monde politique, c’est aussi que ce n’est pas nécessaire­ment sage d’être juste vrai, de tout dire.

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