Le Journal de Montreal

Lettre à mon enfant

- RICHARD MARTINEAU richard.martineau @quebecorme­dia.com

Mon enfant, tu es prêt à vivre ta vie.

À partir d’aujourd’hui, nos routes ne se croiseront qu’occasionne­llement.

Toi que j’ai serré si souvent et si fort dans mes bras, voilà maintenant que tu me lâches la main et que tu t’apprêtes à larguer les amarres.

Comme le chantait Reggiani: «Mon enfant, mon petit / Bonne route, bonne route / Tu prends le train pour la vie / Et ton coeur va changer de pays…»

DES LOUPS DANS LE BOIS

Avant que tu partes, j’aimerais m’excuser. Afin de préserver ton innocence, nous t’avons élevé dans la ouate. Nous t’avons fait croire que le monde extérieur est aussi chaleureux, aussi charitable et aussi bienveilla­nt que celui dans lequel nous t’avons élevé. C’est faux. Le monde extérieur est froid, cruel et égoïste. Naguère, on racontait des fables terrifiant­es aux enfants pour les prévenir des loups et des sorciers qui rôdent au fond des forêts. Aujourd’hui, ces contes sont considérés comme étant trop noirs, trop violents et trop traumatisa­nts pour les jeunes esprits.

On préfère faire croire aux enfants que le monde est un royaume pastel peuplé de licornes, de bons génies et de fées.

Résultat: vous avez une vision naïve du monde.

Le temps est venu de remettre les pendules à l’heure.

PLUS QU’UN SOURIRE

Mon enfant, contrairem­ent à ce que certains idéalistes peuvent te dire, ce n’est pas vrai que tout le monde il est beau, tout le monde il est gentil.

Comme le chantait Cat Stevens avant qu’il ne devienne Yusuf Islam: If you want to leave, take good care / Hope you make a lot of nice friends out there / But just remember there’s a lot of bad and beware… Oh baby, baby, it’s a wild world / It’s hard to get by just upon a smile…

Voici ce qu’on aurait dû te dire, mais qu’on ne t’a jamais dit.

Tu dois te protéger. Ta sécurité n’est pas que l’affaire des autres, c’est aussi ton affaire, ta responsabi­lité.

Si tu es en état d’ébriété, ne va pas rejoindre un inconnu dans une chambre d’hôtel. S’il t’invite à aller le rejoindre à minuit, ce n’est probableme­nt pas pour parler de politique ou pour jouer au Scrabble avec toi.

Comprends-moi bien: je ne dis pas que ce sera ta faute si jamais tu le suis et qu’il t’agresse.

Un agresseur mérite d’être puni avec toute la force de la loi. Mais il vaut mieux prévenir que guérir. Évite certains quartiers la nuit. Verrouille ta porte. Attends de bien connaître une personne avant de lui accorder ta confiance. Méfie-toi.

Je sais, mes conseils peuvent paraître vieux jeu, paternalis­tes ou infantilis­ants.

Mais crois-moi: ce sont les meilleurs conseils que je peux te donner. Il m’en a fallu du temps, des désillusio­ns et des cheveux gris pour apprécier ces vérités à leur juste valeur.

PROTÈGE-TOI

L’État doit prendre tous les moyens pour te protéger et assurer ta sécurité, certes.

Mais tu dois aussi prendre tous les moyens à ta dispositio­n pour TE protéger et assurer TA sécurité. Avant, on disait: «Aide-toi et le ciel t’aidera.» Je préfère dire, tout simplement: «Fais attention à toi.»

Le monde est froid, cruel et égoïste.

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