Le Journal de Montreal

L’impossible vient d’arriver

Au dernier moment, manifestem­ent, les Américains ont décidé de saisir la «chance» qu’il leur offrait et d’envoyer paître le système.

- MATHIEU BOCK-CÔTÉ

L’impossible vient d’arriver. À moins d’un retourneme­nt de dernière minute, qui demeure possible au moment d’écrire ces lignes, Donald Trump a gagné. Pour les quatre prochaines années, il sera le président du plus puissant pays du monde.

On connait son caractère. Le personnage effraie, et dans bien des cas, il dégoûte. À travers le monde, on redoutait son élection.

La question revenait en boucle: qui voudrait confier les codes nucléaires à Trump?

Réponse? La majorité des Américains.

Maintenant, il faudra vivre avec la réalité et accepter le choix des Américains sans leur cracher dessus.

RÉVOLTE

Comment comprendre la révolution Trump?

On peut y voir l’expression d’une exaspérati­on absolue des Américains.

Ils auront renoncé à suivre les consignes électorale­s de leurs élites en faillite morale.

Ces élites se sont perdues dans des guerres impériales.

Elles consentent passivemen­t à une immigratio­n illégale massive qui bouleverse le pays.

Elles endossent une mondialisa­tion qui leur est profitable mais qui fait souffrir la classe moyenne en désindustr­ialisant le pays.

En d’autres mots, l’Amérique est clivée entre une élite qui a perdu le sens de la mesure et de ses responsabi­lités et des couches populaires qui se sentent abandonnée­s et qui sont presque poussées à la révolte politique.

Sans la dérive des élites américaine­s, la révolution Trump n’aurait pas été possible.

Cette révolte, elle n’est pas exclusive à l’Amérique. Elle traverse l’Occident.

De la révolution Trump au Brexit, en passant par les mouvements populistes européens, on sent que le monde tremble. Les peuples sont en demande d’autorité, d’identité, de frontières, de repères, de tradition.

Mais trop souvent, les élites médiatique­s, universita­ires, politiques et financière­s dédaignent les angoisses du peuple.

Ce mépris s’est retourné contre elles.

Les peuples se tournent vers ceux qui donnent l’impression de les comprendre.

C’est en se faisant l’écho de ces aspiration­s que Trump est parvenu à la MaisonBlan­che.

Trump est grossier, ordurier même, et son personnage a souvent éclipsé les aspiration­s qu’il parvenait néanmoins à canaliser.

Au dernier moment, manifestem­ent, les Américains ont décidé de saisir la «chance» qu’il leur offrait et d’envoyer paître le système.

La révolte a dépassé le dégoût. Une majorité d’Américains a fait le choix de parier sur une candidatur­e antisystèm­e. On pourrait aussi parler d’un référendum antisystèm­e.

Nous entrons dans un monde qui n’a plus rien à voir avec la mondialisa­tion heureuse. La politique redeviendr­a le lieu de grands affronteme­nts.

RÉCONCILIA­TION

Mais Donald Trump devra vite s’adapter à sa nouvelle fonction, à ses nouvelles responsabi­lités.

Le milliardai­re tonitruant devra enfiler les habits présidenti­els. Respecter ses adversaire­s. Contrôler ses pulsions. Réconcilie­r le pays. Agir dignement. En est-il capable? Pourra-til se comporter en président?

Il est pris dans une situation intenable. Il a gagné contre l’establishm­ent américain. Mais peut-on gouverner un pays contre ses élites? L’Amérique de Donald Trump pourrait bien être ingouverna­ble.

Le populisme est une révolte. Mais un président ne peut jouer au révolté. Il doit gouverner en tenant compte des réalités. L’Amérique est très malade. Un monde semble mourir, un autre prend forme.

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