Au bord du précipice
Jusqu’à hier, les sondages semblaient indiquer un mouvement de l’opinion en faveur d’Hillary Clinton, mais les résultats disponibles au moment de mettre sous presse laissent croire à un renversement possible de cette tendance en faveur de Donald Trump.
QUE S’EST-IL PASSÉ?
De prime abord, rien ne laissait croire que Donald Trump puisse convaincre une majorité d’électeurs qu’il possédait les compétences et le tempérament nécessaires pour occuper les fonctions de président.
Il avait refusé de dévoiler ses rapports d’impôt, dont plusieurs se doutent qu’ils recèlent de nombreux problèmes qui auraient pu faire dérailler sa campagne, les révélations embarrassantes sur son parcours en affaires et, évidemment, ses gestes et paroles envers les femmes rendaient sa candidature extrêmement vulnérable.
UN CONTEXTE FAVORABLE
Malgré ce lourd passif, Donald Trump bénéficiait d’avantages considérables, dont le fait qu’après deux mandats d’un parti au pouvoir, les électeurs ont souvent le réflexe de regarder ailleurs. Surtout, Trump a su tirer parti d’un environnement partisan polarisé. Il savait que la quasi-totalité des républicains se rangerait derrière lui pour défaire une femme diabolisée par leur parti.
Toutes les élections récentes ont été plutôt serrées, alors le plancher de ses appuis ne pouvait pas descendre trop bas. Il n’avait qu’à appuyer fort sur le passif d’Hillary Clinton. Cette stratégie, en plus de l’intervention inopinée du directeur du FBI qui a réactivé l’enquête qu’on croyait enterrée sur l’affaire des courriels, auront eu un effet beaucoup plus important que ce que laissaient croire les données dont on disposait jusqu’au jour du vote. LE POUVOIR DU RESSENTIMENT
En plus de la loyauté partisane, le succès apparent de Trump vient du fait qu’il a su mettre le doigt sur de réels problèmes vécus par la classe moyenne et les travailleurs américains, laissés pour compte par la mondialisation et oubliés par la reprise après la crise de 2008.
En liant ces problèmes au sentiment réel d’aliénation de plusieurs Blancs, il s’est assuré un électorat fidèle et relativement nouveau pour un républicain: les hommes blancs moins scolarisés et à revenu modeste. Ceux-ci voient les conditions des groupes minoritaires s’améliorer autour d’eux pendant qu’ils stagnent. Ils ont le sentiment que les Afro-Américains, les hispanophones et, pour certains, les femmes ont volé leur place dans la file d’attente du Rêve américain. La concentration du vote pour Trump dans les zones rurales du pays reflète bien la profondeur de ce sentiment d’aliénation.
Les récriminations de sa base partisane sont réelles, mais le problème,
c’est que Donald Trump a mobilisé ces forces en faisant appel aux pires sentiments de ses partisans, dont le ressentiment racial, le sexisme et la xénophobie. Si la tendance apparente ne se renverse pas, c’est une page sombre de l’histoire des États-Unis qui est en train de s’écrire.