Le Journal de Montreal

Le gardien junior B a fait son chemin

Rogatien Vachon aura attendu 34 ans pour son intronisat­ion au Panthéon du hockey

- Marc de Foy MdFoyJDM marc.defoy@quebecorme­dia.com

Rogatien Vachon a connu toute une carrière pour un gars qui avait été qualifié de gardien de calibre junior B à sa première saison dans la Ligue nationale.

L’histoire s’est passée avant le début de ce qui fut la dernière confrontat­ion entre le Canadien et les Maple Leafs de Toronto en finale de la Coupe Stanley.

C’était en 1967, l’année de l’Exposition universell­e de Montréal, l’année du centenaire du Canada, l’année du cinquen-tenaire de la LNH qui coïncidait avec la fin de l’époque où seulement six équipes formaient le circuit.

PROMU AU JUNIOR A

Le directeur général et entraîneur des Leafs, George Punch Imlach, aimait créer de la polémique.

Avant la finale, donc, il déclara pompeuseme­nt que son équipe n’allait sûrement pas se faire battre par un gardien junior B.

Le Canadien remporta le premier match 6 à 2 au Forum. Henri Richard réussit un tour du chapeau et Vachon fit belle impression.

Qu’à cela ne tienne, Imlach n’avait pas dit son dernier mot. Tout en reconnaiss­ant les mérites de Vachon, il lui accorda bien une promotion, mais au niveau junior A!

«Punch avait tout un sens de l’humour!» lance Vachon sur un ton rieur, près de 50 ans après les faits.

«Ses commentair­es ne m’avaient aucunement dérangé. J’avais bien ri. L’histoire m’a suivi pendant des années. C’était bien drôle.»

Vachon et ses coéquipier­s n’ont pas remporté la coupe Stanley en 1967. Mais ils se sont repris en la ramenant à Montréal trois fois au cours des quatre années qui ont suivi.

LOS ANGELES, C’ÉTAIT LOIN

Le gardien natif de Palmarolle, en Abitibi, a fait son nom.

Quand il a perdu le poste de gardien numéro un du Canadien à un dénommé Ken Dryden en 1971, il est parti pour Los Angeles, où il est devenu la première grande vedette des Kings.

Sa carrière l’a ensuite mené à Detroit et à Boston.

En 1985, trois ans après qu’il eut disputé son dernier match dans la LNH, les Kings retiraient le numéro 30 en son honneur, une première dans l’histoire de l’équipe.

Lundi, 34 ans après avoir pris sa retraite de la compétitio­n, il sera intronisé officielle­ment au Panthéon du hockey. L’attente a été longue. «Je pense que le fait que j’aie joué à Los Angeles à mes meilleures années y a été pour quelque chose», estime-t-il.

«Peu de nos matchs étaient télévisés. Les gens connaissai­ent les résultats de nos matchs le lendemain dans l’Est. On ne nous voyait à la télévision que lorsqu’on jouait à Montréal ou à Toronto le samedi soir.»

En 1976, il eut toutefois la chance de s’affirmer sur la scène internatio­nale, lors du premier tournoi de la Coupe Canada, le plus grand événement de sa carrière selon ses propres dires. Ses performanc­es devant le filet de l’équipe canadienne lui valurent d’être choisi au sein de l’équipe d’étoiles du tournoi.

Après ses jours comme gardien, Vachon a rempli les fonctions de directeur général pendant neuf ans. Puis, il a disparu de la scène du hockey.

Son nom a été soumis occasionne­llement comme candidat au Panthéon du hockey, mais ce n’est qu’en juin dernier qu’il a reçu l’appel l’informant de son élection.

L’HIVER EN ABITIBI

C’est lors d’un moment comme celui-ci qu’un athlète revoit le fil de sa vie et de sa carrière.

«J’ai commencé à jouer au hockey sur la petite patinoire que mon père faisait chaque hiver à notre ferme», se remémore Vachon.

«J’étais le plus jeune parmi mes frères et cousins avec lesquels je jouais et ils me disaient: toi, tu vas jouer comme

gardien. Je n’avais pas le choix. Jacques Plante, qui était le gardien du Canadien, était un de mes favoris. J’aimais beaucoup Terry Sawchuk aussi.»

Une fois dans l’organisati­on du Canadien, Vachon a joué avec les Monarchs de Notre-Dame-de-Grâce, de la Ligue métropolit­aine, les As de Thetford-Mines, de la Ligue junior du Québec et le Canadien junior, de la Ligue de l’Ontario.

Lors de la saison 1965-1966, il fit ses débuts profession­nels avec les As de Québec, de la Ligue américaine, et les Apollos de Houston, de la Ligue centrale. Il fut ensuite rappelé par le Canadien, qui connaissai­t des hauts et des bas après avoir remporté la coupe Stanley deux années consécutiv­es.

LA PRESTANCE DE JEAN BÉLIVEAU

À son baptême du feu, le 28 février 1967 au Forum, il stoppa Gordie Howe lors d’une échappée, lors du rendez-vous fétiche du samedi soir de La Soirée du hockey.

«J’ai vécu de beaux moments avec le Canadien», dit-il.

«J’ai eu la chance de jouer avec Jean Béliveau et Henri Richard. Béliveau est le joueur qui m’a le plus impression­né pendant ma carrière. Il avait de la classe autant sur la glace que dans la vie. Il était doué d’un talent fantastiqu­e.»

Vachon a aidé le Canadien à reprendre la coupe Stanley en 1968 et 1969.

L’équipe a raté les séries pour une première fois en 1970, mais Vachon a joué à la hauteur de son talent. Tout comme il continuait à le faire lorsque Dryden s’est joint au Tricolore au printemps 1971.

«On était assuré du troisième rang à son arrivée en mars et les dirigeants ont fait jouer Dryden afin de l’évaluer et de lui permettre d’acquérir de l’expérience dans la Ligue nationale, raconte Vachon.

«La suite est passée à l’histoire. J’aurais pu rester comme deuxième gardien et ajouter quelques coupes Stanley à mon palmarès. Mais j’étais encore jeune (26 ans) et je voulais jouer. J’ai été très chanceux de me retrouver à Los Angeles.»

DRÔLE DE DIVISION

Les trois premières années en Californie n’ont pas été faciles. Les Kings formaient une des pires équipes de la ligue.

Mais en 1974-1975, ils ont connu une saison de 105 points, un sommet dans leur histoire, sous la direction de Bob Pulford. La saison suivante, Marcel Dionne se joignit à l’équipe.

Mais il y avait un problème. Les Kings faisaient partie de la même division que le Canadien, qui amorçait une nouvelle ascension vers le sommet.

La division Norris, de son nom, faisait bâtarde puisque les Kings étaient la seule équipe de l’Ouest à en faire partie, les autres formations étant Pittsburgh, Detroit, Washington et Montréal.

«Et dans ce temps-là, souligne Vachon, on voyageait par vols commerciau­x. On était l’équipe qui parcourait le plus grand nombre de kilomètres au cours d’une saison. On a déjà passé 21 jours sur la route. Les gars étaient fatigués en fin de saison.»

Mais Vachon ne regrette absolument rien. Los Angeles est devenue sa résidence il y a longtemps.

Il aura fallu du temps, mais aujourd’hui, tout le monde reconnaît qu’il a connu une carrière digne d’un membre du Panthéon du hockey.

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Rogatien Vachon était au Temple de la renommée du hockey hier. Il y sera intronisé lundi.
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