Une Bleue chez les Bleus
Lore Baudrit avait 5 ans lorsqu’attablée au restaurant de l’aréna, elle a eu la piqûre pour le hockey. Jusque-là, l’histoire n’a rien de bien spécial. Sauf qu’elle se déroule à Castres, dans le sud de la France, une région où ce sport, et surtout son pendant féminin, fait figure de phénomène marginal.
«Pendant un an, j’ai supplié mes parents de me laisser pratiquer le hockey, raconte aujourd’hui l’attaquante, impressionnante du haut de ses 6 pi 3 po. Au début, ils ne voulaient pas vraiment, ils ne connaissaient pas ça. Mais finalement, à force de les tanner, ils m’ont laissé essayer.»
Les parents de Lore pensaient que leur petite fille se lasserait vite de ce sport, pratiqué majoritairement par des garçons dans ce coin de l’Hexagone. Ça ne s’est jamais produit. La hockeyeuse a gravi un à un les échelons, aboutissant à la fois dans l’équipe de France et chez les Carabins de l’Université de Montréal.
«J’ai eu le coup de foudre, et ça ne m’a jamais lâchée», affirme l’étudiante en journalisme, qui en est à sa cinquième et dernière année d’admissibilité chez les Carabins.
UN HOCKEY DIFFÉRENT
Lore Baudrit fait partie des trois attaquantes françaises qui portent le bleu des Carabins cette saison. Au cours des dernières années, elles ont été huit à représenter l’équipe grâce à l’initiative de Danièle Sauvageau (voir autre texte).
L’adaptation n’a pas été si facile, admet Lore. Il fallait faire sa place dans une nouvelle ville, dans un nouvel établissement scolaire. Et le hockey qui se joue au Canada ne ressemble pas en tous points à celui pratiqué en France. L’arbitrage est différent, explique l’attaquante. Elle note aussi que le jeu est plus rapide.
«Les arbitres ne sifflent pas les mêmes choses qu’en France. Ici, le contact est un peu plus permis», pointe-t-elle.
DES PIONNIÈRES
Lore et ses comparses françaises font partie de l’élite d’un petit bassin de hockeyeuses en France. Elles sont 2206 joueuses homologuées, contre 87 500 au Canada, selon les données de la Fédération internationale de hockey sur glace.
Danièle Sauvageau voit en ces athlètes des pionnières du hockey féminin dans leur pays. Les France St-Louis et Danielle Goyette de la France. Un avis que Lore partage.
«Notre fédération essaye beaucoup de faire avancer le hockey féminin, explique-telle. En France, on veut faire en sorte que ça prenne plus de place.»
«Je pense qu’on est sur le bon chemin, mais ça passe par les résultats», ajoute-telle.
ELLE RÊVE D’OLYMPIQUES
Ces résultats, dans l’immédiat, c’est une qualification pour les Jeux olympiques de Pyeongchang, en 2018. L’objectif est ambitieux, reconnaît la hockeyeuse, mais il ouvrirait la porte à une médiatisation accrue de ce sport en France.
Avec ses coéquipières Emmanuelle Passard et Estelle Duvin, Lore Baudrit a d’ailleurs pris l’avion en direction de son pays, en début de semaine, pour un tournoi de qualification. Les Bleues doivent terminer en tête de leur groupe pour passer à l’étape suivante, qu’elles devront aussi dominer.
«On n’a pas énormément de chances d’y aller, mais on a des chances et on va les jouer à fond, mentionne Lore. Moi je pense à ma première année ici. Toute la saison, on a perdu contre McGill. Au premier match des séries, on s’est fait démolir. Mais on n’a jamais arrêté d’y croire et on a gagné le championnat. Ça, ça me fait croire que tout est possible.»
MONTRÉAL OU L’EUROPE
À son retour, Lore songera à son avenir. Un avenir qui passe par le hockey, idéalement à Montréal.
La Française de 25 ans aimerait se tailler une place dans les médias sportifs. Elle rêve aussi d’un poste chez les Canadiennes, même si, selon sa propre analyse, la tâche s’avère complexe.
«Je ne suis pas la joueuse avec les meilleures mains, dit-elle. Mais j’ai un bon physique et une bonne compréhension du jeu.»
Si Lore aimerait rester à Montréal pour le fait français, elle affirme aussi avoir été charmée par la ville et sa passion pour le hockey. Après tout, ce sport, c’est son premier amour.
«Quand tu joues au hockey, c’est le rêve de vivre dans cette ville. Même les publicités parlent de hockey. Ça parle de hockey tout le temps!» rigole-t-elle.
« PENDANT UN AN, J’AI SUPPLIÉ MES PARENTS DE ME LAISSER PRATIQUER LE HOCKEY. ILS NE VOULAIENT PAS VRAIMENT, ILS NE CONNAISSAIENT PAS ÇA. MAIS FINALEMENT, À FORCE DE LES TANNER, ILS M’ONT LAISSÉ ESSAYER » – Lore Baudrit