Le Journal de Montreal

Les autocollan­ts des policiers interdits sur les biens de la Ville

- Valérie Gonthier VGonthierJ­DM La Fraternité dit avoir pris acte de la décision et a demandé à ses procureurs de l’étudier «très attentivem­ent». valerie.gonthier @quebecorme­dia.com

La Ville de Montréal se réjouit de la récente décision d’un tribunal qui interdit à ses policiers d’apposer des collants pour protester contre la réforme de leur régime de retraite. Mais la victoire pourrait être de courte durée, croient des experts.

Finis les autopatrou­illes et les bâtiments de la Ville placardés d’insignes «On n’a rien volé, nous», «Contre la loi 3», «Libre négo» ou «Au voleur», a tranché une arbitre dans une décision datant du 29 décembre dernier.

La Cour suprême souligne l’importance que revêt la liberté d’expression dans le contexte particulie­r des relations de travail, reconnaît Me Nathalie Faucher. Mais selon elle, il y a une limite à cette liberté d’expression.

«Les autocollan­ts apposés par la Fraternité comportent divers messages laissant sous-entendre que les corps publics n’ont pas respecté le principe de la libre négociatio­n ou encore qu’ils sont des voleurs. Or, il m’apparaît qu’en utilisant les biens du SPVM à titre de support d’affichage, ce dernier se trouve justement à être associé à ces messages, notamment aux yeux du public», a-t-elle conclu.

En juin 2014, le gouverneme­nt libéral a déposé un controvers­é projet de loi 3 (devenu par la suite la Loi 15), qui impose une restructur­ation des régimes de retraite dans le secteur municipal. Mécontents, les policiers ont démarré des moyens de pression à l’été, arborant d’abord des casquettes rouges et des pantalons cargos de camouflage ou de différente­s couleurs.

5825 AUTOCOLLAN­TS

Le 16 juillet 2014, une multitude d’autocollan­ts a ensuite été apposée dans les locaux des policiers, à l’entrée des postes de police ainsi que sur les autopatrou­illes. Une opération de nettoyage avait eu lieu à la fin juillet. Pas moins de 5825 autocollan­ts avaient été retirés sur 540 véhicules. Certains véhicules avaient été tapissés, d’autres fois, le lettrage était caché.

Au fur et à mesure que la Ville tentait de s’en débarrasse­r, de nouveaux autocollan­ts réapparais­saient. En janvier 2015, les coûts de nettoyage avaient atteint près de 24000$.

«L'ordonnance rendue par l'arbitre va enfin faire en sorte que les véhicules, enseignes et bâtisses du SPVM retrouvero­nt leur apparence, libre de ces autocollan­ts et messages qui affectaien­t le devoir d’impartiali­té qu’un corps de police doit préserver», a noté Gonzalo Nunez, porte-parole de la Ville .

Et comme l’a ordonné l’arbitre, c’est la Fraternité qui devra payer les frais de nettoyage, s’est réjouie la Ville. Les parties devront s’entendre sur les montants dus.

Mais la Fraternité ne devrait pas ranger ses autocollan­ts trop loin, selon des experts, qui sont d’avis que la décision est contestabl­e.

«L’arbitre aurait pu rendre une ordonnance plus cohérente en limitant l’utilisatio­n abusive des autocollan­ts. Plutôt que de restreindr­e la pose des autocollan­ts, on les interdit. C’est là que ça va loin», a commenté Louis-Philippe Lampron, professeur en droit et liberté de la personne à l’Université Laval.

D’ailleurs, les policiers sont déjà très limités dans leur liberté d’expression, n’ayant pas droit de faire la grève.

«La partie n’est pas encore gagnée pour Montréal. J’ai des doutes à savoir si cette décision sera maintenue», a dit Danielle Pilette, experte en gestion municipale à l’UQAM.

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Les policiers ne pourront plus apposer d’autocollan­ts sur les véhicules, enseignes et bâtisses du SPVM, comme c’est le cas ici au poste de quartier 20.
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