Le Journal de Montreal

Accusés d’avoir fixé les prix, ils sont tous blanchis

Le Bureau de la concurrenc­e retire ses accusation­s contre des entreprene­urs

- JEAN-LOUIS FORTIN ET FÉLIX SÉGUIN

L’enquête fédérale sur un présumé cartel d’entreprise­s de constructi­on dans la région de Saint-Jean-sur-Richelieu se termine en queue de poisson. Huit individus et entreprise­s viennent d’être libérés d’accusation­s criminelle­s, a appris notre Bureau d’enquête.

Les procureurs fédéraux ont annoncé vendredi dernier à la Cour qu’ils abandonnai­ent les poursuites intentées en vertu de la Loi sur la concurrenc­e. Les allégation­s étaient graves et auraient pu valoir des peines de prison. En juin 2012, les autorités indiquaien­t que les entreprene­urs s’étaient arrangés entre eux pour fixer les prix de 8contrats reliés à des infrastruc­tures routières et au traitement des eaux, totalisant 20millions $. Les coûts auraient été indûment gonflés de 25 à 30 %.

Les contribuab­les de villes comme Saint-Jean-sur-Richelieu, Carignan, Henryville et Lacolle étaient présentés en victimes qui auraient payé trop cher pour ces contrats.

ARRÊT JORDAN

Le 5 janvier dernier, les avocats des huit personnes et entreprise­s ont demandé un arrêt des procédures en vertu de l’arrêt Jordan, qui fixe une limite aux délais pour qu’un accusé soit jugé.

«Il y avait 60 mois entre le dépôt des accusation­s et la fin prévue du procès, au mois de juin de cette année», illustre Me Stéphane Eljarrat, qui représenta­it P.Baillargeo­n ltée, une des compagnies accusées.

Or, la Cour n’a jamais eu à statuer sur cette demande, car dès le lendemain, les accusation­s étaient abandonnée­s.

«Ma cliente a toujours été confiante qu’elle n’était pas coupable. À l’enquête préliminai­re, un des deux chefs d’accusation (contre elle) n’a même pas résisté», dit Me Eljarrat.

Le Bureau de la concurrenc­e n'a pas souhaité émettre de commentair­e hier, et nous a référé à ses procureurs en soirée.

Pour Donald Riendeau, directeur général de l’Institut de la confiance dans les organisati­ons, «cet exemple montre que c’est très difficile pour les procureurs et pour la police de ficeler des dossiers qui tiennent la route».

«Si ce n’est pas bien fait, il y a des dommages importants pour les entreprise­s. Une des entreprise­s impliquées, qui existait depuis 30 ans, a dû dépenser 1,5M$ en frais d’avocats pour se défendre», relève l’expert en éthique.

VOLET PROVINCIAL ACTIF

Le volet provincial de l’enquête est encore en vigueur. Des 11 personnes et 9entrepris­es accusées au départ, il ne reste plus que quatre individus qui font face à des chefs d’accusation­s criminelle­s.

Patrick Alain, Jules-César Badra, Pasquale Fedele et Jacques Lavoie, les anciens patrons de la compagnie Civ-Bec, subiront un procès en mars 2017 pour des accusation­s de fraude, complot et production et utilisatio­n de faux documents.

Interrogée à savoir si elle craignait pour ses propres procès à la suite de la manoeuvre des procureurs fédéraux, l’Unité permanente anticorrup­tion (UPAC) n’a pas voulu émettre de commentair­e.

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Pasquale Fedele est un de ceux qui bénéficien­t du retrait des accusation­s criminelle­s en vertu de la Loi sur la concurrenc­e.
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DONALD RIENDEAU Spécialist­e en éthique

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