Le Journal de Montreal

Un président parfaiteme­nt imparfait

- josée legault Blogueuse au Journal josee.legault @quebecorme­dia.com @joseelegau­lt

C’était le 20 janvier 2009. Devant une planète incrédule depuis son élection, Barack Obama était assermenté à Washington. Devant le premier président noir de l’histoire américaine, tous les espoirs étaient permis.

«Oui, nous le pouvons», cette promesse d’Obama, président jeune, raffiné, intellectu­el et déterminé, était aussi progressis­te que volontaris­te. Après le règne de George W. Bush et l’invasion catastroph­ique de l’Irak, les attentes envers son successeur étaient tout simplement démesurées. Gare au syndrome du sauveur – on ne le dira jamais assez!

À sa décharge, Barack Obama s’est souvent retrouvé prisonnier d’un Sénat et d’une Chambre des représenta­nts contrôlés par des républicai­ns dont l’ultraparti­sannerie sentait la terre brûlée à plein nez.

La crise financière dévastatri­ce de 2008 allait aussi accroître les écarts de richesse entre les mieux nantis et la classe moyenne. Que Washington ait «sauvé» les banques avant les travailleu­rs laissera des séquelles sociales profondes.

UNE LONGUE LISTE

En cela, Barack Obama s’ajoute à la longue liste de leaders occidentau­x qui n’auront eu de «progressis­te» que l’étiquette qu’on leur accole par habitude. De François Mitterand à François Hollande en passant par Tony Blair et Bill Clinton, ils ont tous «recentré» leurs politiques au centre droit de l’échiquier.

Cette supposée «gauche», qu’on dit trop multicultu­raliste et libre-échangiste, est blâmée pour la montée actuelle du populisme de droite. Or, si cette présumée «gauche» a échoué, c’est avant tout parce que ses leaders, une fois au pouvoir, ont eux-mêmes délaissé leurs principes progressis­tes.

S’ils avaient tenu à leurs principes, ils auraient été les premiers à défendre les mêmes travailleu­rs, la même classe moyenne et les mêmes démunis qui, par défaut, se tournent dorénavant vers les sirènes populistes de droite dont la promesse est justement de les défendre.

D’où, aux antipodes, le succès de l’exrival démocrate de Hillary Clinton, Bernie Sanders, auprès d’une jeunesse américaine étonnée d’entendre enfin un discours progressis­te cohérent et crédible.

UN EXPLOIT

Conclusion: l’Amérique de Barack Obama ressemble trop peu au «Oui, nous le pouvons» de 2008. Les écarts de richesse persistent. Malgré l’élection d’un président noir, le racisme est indélogeab­le. Les armes à feu et les tueries de masse pullulent.

Même ses appels sentis et répétés à plus de tolérance envers les minorités, dont les musulmans, se sont butés au retour de la peur de l’immigratio­n et à la barbarie de l’État islamique.

Pourtant, au-delà de son début de réforme de la santé, s’il avait eu les coudées plus franches, Barack Obama aurait possibleme­nt osé d’autres politiques publiques visant une plus grande justice sociale. L’hypothèse se défend.

Bref, en ce jour où il doit livrer son discours d’adieu à Chicago aux côtés de son épouse Michelle, la réalité toute simple est qu’il aura été un président parfaiteme­nt imparfait.

À voir venir les lubies inquiétant­es de son successeur, l’Histoire retiendra sûrement qu’en soi c’était déjà un exploit titanesque.

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 ??  ?? Il y a huit ans, Barack Obama était assermenté à Washington et, devant le premier président noir américain, tous les espoirs étaient permis.
Il y a huit ans, Barack Obama était assermenté à Washington et, devant le premier président noir américain, tous les espoirs étaient permis.

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