Obama, un président fait sur mesure pour la télé
Mardi soir, tous les grands réseaux de télé ont relayé de Chicago le discours d’adieu du président Barack Obama. Un discours de près d’une heure, réglé comme un mouvement suisse et livré à la perfection. Pas un mot qui n’ait été longuement réfléchi, pas une pause qui n’ait été voulue et sentie, pas une intonation qui ne soit en accord avec le propos. Aucun homme politique à ma connaissance n’a maîtrisé avec cette perfection le média implacable qu’est la télévision. Pas même René Lévesque dont c’était pourtant le métier.
Durant sa présidence, Obama a prononcé plus d’une centaine de discours d’importance. Comme il en a écrit la plupart lui-même ou repris dans ses mots ceux que ses writers avaient rédigés pour lui, ses discours «sonnent» toujours vrais.
C’est difficile de ne pas être ému lorsqu’on écoute son appel poignant aux musulmans, lors de sa visite au Caire en juin 2009. Comment ne pas s’émouvoir lorsqu’il parle des malheurs de la guerre au moment de recevoir le prix Nobel de la paix? Ou lorsqu’il rappelle, 50 ans après les faits, les premières marches sanglantes des Noirs d’Alabama pour la reconnaissance de leurs droits civiques?
IL ENTONNE UN CANTIQUE
En juin 2015, à Charleston, à la suite de son éloge funèbre pour les neuf victimes du tueur Dylan Roof (condamné à mort, mardi dernier), le président Obama, tête basse et les yeux mouillés, avait, à la surprise de tous, entonné Amazing Grace, le plus célèbre cantique des chrétiens anglophones. Qu’il soit réfléchi ou spontané, c’est le genre de geste qui reste profondément gravé dans la mémoire de ceux qui en sont témoins.
Comme si l’homme n’était pas déjà assez doué, il fallait que sa femme Michelle le soit tout autant. Son éloge funèbre de la poétesse noire Maya Angelou en 2014, son discours au City College de New York sur l’importance de l’éducation sont à réécouter. Tout comme son appel à la recherche de l’excellence chez les jeunes dans son discours d’adieu de vendredi soir dernier.
C’est le sens extraordinaire de la communication de l’un et de l’autre qui a réussi à porter ce couple afro-américain exemplaire à la tête d’un pays où la discrimination raciale à l’égard des Noirs est loin d’être révolue.
DES DISCOURS POUR L’HISTOIRE
Plusieurs présidents américains ont réussi durant leur mandat à marquer l’histoire de quelques mots seulement. C’est le cas de John Kennedy lorsqu’il a dit, le jour de son inauguration: «Ne vous demandez pas ce que le pays peut faire pour vous, mais plutôt ce que vous pouvez faire pour lui.» En 1987, devant la porte de Brandebourg à Berlin, Ronald Reagan s’était écrié: «Monsieur Gorbatchev, détruisezmoi ce mur!» Des mots que personne n’a oubliés.
D’Obama, ce ne sont pas seulement des mots qu’on retiendra, mais des discours entiers. Comme on a retenu certains discours du général de Gaulle et de Winston Churchill. Pour Obama, on n’aura que l’embarras du choix parce que tous ses discours importants ont été prononcés devant les caméras de télévision. Ils seront donc conservés.
Heureusement, car les générations à venir auront grand besoin de la sagesse dont ces discours font preuve, surtout si leurs leaders politiques se contentent de selfies à répétition et des 140 caractères que leur alloue Twitter!
TÉLÉPENSÉE DU JOUR
Jamais je n’aurais cru que les adversaires politiques de Stéphane Dion l’aimaient à ce point!