Tannée par la lenteur du gouvernement
La fonctionnaire responsable des appellations réservées n’arrivait même pas à parler au ministre, dit-elle
La fonctionnaire responsable de protéger les produits du terroir québécois claque la porte, dénonçant un gouvernement qui n’a pas répondu à ses appels pendant deux ans.
«Je n’ai jamais eu de rencontres avec le ministre Pierre Paradis en deux ans et demi, alors que c’était mon patron direct», déplore Anne-Marie Granger-Godbout, directrice générale du Conseil des appellations réservées et des termes valorisants (CARTV).
Même si M. Paradis a été relevé de ses fonctions le mois dernier, à la suite d’une enquête de la Sûreté du Québec pour inconduite sexuelle, c’était trop peu trop tard pour Mme GrangerGodbout, qui se butait au manque de collaboration du ministère de l’Agriculture, des Pêcheries et de l’Alimentation du Québec (MAPAQ).
De plus, son organisme, qui reçoit la même subvention de 500 000 $ chaque année depuis 10 ans, n’arrive pas à joindre les deux bouts. La semaine dernière, les employés ont dû être payés avec la marge de crédit et les cartes de crédit sont pleines, explique-telle.
QUATRE ANS D’ATTENTE
Lancé il y a 10 ans, l’organisme devait s’autofinancer avec les contraventions remises aux entreprises qui utilisent à tort les appellations, mais c’était insuffisant et trop long, surtout que chaque cas doit aller devant un juge.
La grogne se fait aussi sentir chez les producteurs, comme Isabelle Béland, qui attend depuis quatre ans pour une appellation du maïs sucré de Neuville.
«Notre dernier rapport a passé l’été sur le bureau du ministre, pour finalement nous faire dire non en octobre», dénonce la productrice.
Quant à ceux qui ont déjà une appellation réservée, comme les producteurs de cidre de glace, ils estiment que le gouvernement ne fait rien pour la promouvoir. «Il y avait de belles promesses qui n’ont pas été suivies», dit François Pouliot, fondateur du Domaine Neige.
Or, une appellation vient avec des coûts pour les producteurs, qui doivent suivre une façon de faire précise, payer un inspecteur, un comité pour goûter les produits et 10 cents par bouteille pour avoir la certification, notamment.
«Ce sont des milliers de dollars chaque année quand tu fais 10 000 bouteilles», souligne l’homme d’Hemmingford.
Pour sa part, le professeur en agroalimentaire à l’Université Laval, Rémy Lambert croit que, si le gouvernement y mettait les efforts, les appellations pourraient protéger des emplois en région.
RENOUVEAU
Mais l’attaché de presse du nouveau ministre, Laurent Lessard, promet un renouveau au CARTV.
«Le ministre a une vision bien définie, il veut mettre l’accent sur les appellations pour qu’elles aient une valeur ajoutée», dit Mathieu Gaudreault, ajoutant que plus de promotion sera aussi au rendez-vous.