Le Journal de Montreal

Sombrer dans l’oubli

- isabelle.marechal @quebecorme­dia.com ISABELLE MARÉCHAL

La fin de la vie n’est pas toujours glorieuse. Parfois, il se dessine des jours sombres où se dissolvent peu à peu ces pensées et ces gestes qui ont fait de nous ce que nous sommes.

Où allons-nous quand nous avons tout oublié? Reste-t-il, chez certains dont la mémoire a fui, autre chose que des miettes d’humanité? Si nous le savions, nous aurions moins peur d’y faire face. Nous serions plus sereins. Plus aptes à décider de ce qu’il doit advenir de nous une fois notre mémoire perdue. Voulons-nous vivre dans l’ombre de nous-mêmes? Sous le regard et les soins de ceux que nous n’arriverons plus à reconnaîtr­e? Ultimement, pouvons-nous nous résoudre à être ainsi privés de notre âme? Cela me semble la pire des fins de vie.

LE FLÉAU DE L’ALZHEIMER

Perdre la mémoire, c’est notre crainte à tous. Avec raison. Après l’âge de 75 ans, une personne sur deux ne se souviendra plus de son nom. Avec le vieillisse­ment de la population, imaginez dans 15 ans. On sait peu de choses sur le fonctionne­ment du cerveau, sinon que notre mémoire et notre capacité à réfléchir font de nous des êtres entiers. Quand l’une ou l’autre s’étiole, nous devons prévenir. L’idée de vivre vieux est alléchante à condition de se souvenir qu’on existe. À moins de ça, je signe pour qu’on abrège ce qu’il me restera de semblant de vie. Je me refuse à n’être qu’un coeur qui bat.

ROUVRIR LA LOI

Mourir dans la dignité, c’est refuser la souffrance qui vient avec la fin de la vie. Pourquoi seuls ceux qui peuvent le dire tout haut auraient-ils le choix de décider du moment, face à une maladie dont on connaît l’issue? Il ne s’agit pas ici de rendre l’euthanasie socialemen­t acceptable, mais de donner à chacun l’ascendant sur sa propre mort. Faut-il modifier la loi sur l’aide médicale à mourir pour inclure l’Alzheimer? Oui, répond le chercheur Jude Poirier, qui a découvert le gène qui représente le facteur de risque le plus important de la maladie. Ses parents en étaient tous deux atteints. Il sait à quel point les derniers jours sont pénibles. Il ne se souhaite pas ça. Personne, d’ailleurs.

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