HYDRO PAIERA POUR CACHER DES FILS (… AUX ÉTATS-UNIS)
Afin de protéger de beaux paysages américains, Hydro-Québec accepte d’enfouir à ses frais 83 km d’une ligne à haute tension. Coût de l’opération: 500 M$.
Des experts jugent Hydro-Québec «jovialiste» quant au projet Northern Pass, dont ils doutent de la rentabilité dans les conditions actuelles.
L’électricité se vend en moyenne entre 3 et 4 cents du kilowattheure sur le marché de la Nouvelle-Angleterre, mais Hydro Québec risque de devoir rembourser 5,5 cents par kilowattheure pour les coûts de construction en territoire américain. À ce prix, elle exporterait à perte.
Le projet en vaut-il la peine? «Ma réponse, c’est non (…) Les prix [de l’électricité] n’ont jamais été si bas», tranche Jean-Thomas Bernard, spécialiste des marchés de l’énergie à l’Université d’Ottawa.
Et dans dix ans, sera-t-il rentable? «Pas impossible», dit l’expert, qui souligne toutefois qu’Hydro tient depuis 15 ans un discours optimiste en raison de politiques plus sévères contre les gaz à effet de serre. Or, constate-t-il, ces dernières tardent à se matérialiser. «Et je doute que ça arrive avec Donald Trump», estime-t-il. Le nouveau président américain a exprimé son intérêt pour les industries du charbon et du pétrole.
Le professeur Bernard rappelle aussi l’importante production d’électricité à partir du gaz naturel en Nouvelle-Angleterre. De plus, il souligne que les sources éolienne et solaire sont en croissance et les coûts de production s’approchent de plus en plus de ceux de l’hydro-électricité.
« BELLES LUNETTES ROSES »
Selon ISO New England, qui supervise le marché de l’énergie dans cette région, entre 2008 et 2016, la valeur du marché de l’énergie a dégringolé de 275 %, passant de 12,1 à 4,1 G$. Depuis 17 ans, jamais l’électricité n’a été aussi abordable dans ce secteur.
Hydro porte donc de «belles lunettes roses», selon l’image de Jean-Pierre Finet, analyste en gestion de l’énergie pour le Regroupement des organismes environnementaux en énergie. «La profitabilité des exportations repose essentiellement sur la perspective d’hivers rigoureux, ce qui a été le cas la dernière fois à l’hiver 2013-2014 et qui ne sera pas nécessairement le cas de façon soutenue au cours des prochaines années.»
De son côté, le porte-parole d’Hydro Québec, Serge Abergel, maintient que la Nouvelle-Angleterre a un intérêt très marqué pour les énergies renouvelables.
Si Hydro cherche à réaliser ce projet, «c’est parce qu’on pense que c’est intéressant» et «profitable», insiste-t-il.
Certes, les prix sont moins intéressants, mais même dans ce marché, il y a des occasions à saisir, soutient-il.
M. Abergel rappelle que les exportations hors Québec, en 2015, ont rapporté 900 M$ de bénéfice à la société d’État, dont la moitié provenait des marchés de la Nouvelle-Angleterre. Ces bénéfices ont baissé de 79 M$ entre les trois premiers trimestres de 2015 et ceux de 2016.