Le Journal de Montreal

Nadeau-Dubois plus gauchiste qu’indépendan­tiste ?

- mathieu Bock-côté

On s’y attendait, mais demain, la rumeur se confirmera, Gabriel Nadeau-Dubois (GND) se lancera en politique pour Québec solidaire (QS).

Il succédera à Françoise David dans Gouin. On peut apprécier ou non GND: il s’agit néanmoins d’un événement majeur.

En 2012, le héros du printemps étudiant s’était imposé comme un orateur doué. Chef contestata­ire, il savait exciter les foules avec des slogans simplistes, excessifs, mais exaltants.

Tribun charismati­que, il excelle quand vient le temps d’en appeler à l’insurrecti­on.

LEADER

Depuis cinq ans, il s’est aussi construit, avec la complicité du système médiatique, la réputation d’un penseur subtil, même si ceux qui l’écoutent savent qu’il est plutôt un militant doctrinair­e bien plus radical qu’il n’y paraît.

GND, on s’en doute, saura attirer la jeunesse militante qui rêve moins d’un autre gouverneme­nt que d’un autre monde, aussi indéfini soit-il.

Sa posture sera celle d’un populiste de gauche. Il dénoncera le système économique et les élites politiques tout en bénéfician­t de la complaisan­ce des médias.

Mais le système félicitera le jeune prodige. GND ne l’inquiète pas vraiment.

Les seuls vrais rebelles, pour lui, ce sont les critiques décomplexé­s du multicultu­ralisme et GND n’en est pas un.

Le système voit l’anticapita­lisme comme une passion de jeunesse.

Mais quel créneau politique occupera GND?

Est-ce qu’il sera un candidat incarnant la gauche souveraini­ste, prête à tendre la main au PQ dans un vaste exercice de convergenc­e pour renverser le gouverneme­nt libéral?

GND a beau être un gauchiste inflexible, c’est aussi un vrai indépendan­tiste. Mais est-il capable de s’allier mentalemen­t avec des gens qu’il a tendance à caricature­r et diaboliser? Souhaite-t-il l’indépendan­ce au point de la faire avec des souveraini­stes qui ne sont pas à gauche?

Mais il se peut aussi que GND se campe dans un autre créneau, celui de la gauche inclusive anti-identitair­e et anti-péquiste.

Sera-t-il fidèle à cette vieille tradition de la gauche radicale qui préfère taper sur le PQ que sur les libéraux? Le fonds de commerce de QS, depuis dix ans, ce n’est pas la lutte contre le PLQ, mais contre le PQ, qu’il accuse de fausse représenta­tion et rêve de faire éclater pour le remplacer.

PQ

Pour les péquistes, l’arrivée en politique de GND est une mauvaise nouvelle. Avec Paul Saint-Pierre Plamondon, le PQ s’était donné une stratégie pour gagner la jeunesse. Elle était discutable. Elle n’était pas sans mérite.

Peut-il encore espérer y faire une percée? Probableme­nt pas pour 2018.

La jeune génération militante voit le PQ comme les boomers dans leur jeune temps voyaient l’Union nationale.

Le PQ se mettra-t-il à singer QS? Il oublierait alors que les jeunes électeurs préféreron­t probableme­nt l’original à la copie. Avec GND, QS consolider­a ses appuis tout en se donnant les moyens de croître.

Le PQ devrait aussi se demander si les électeurs de la CAQ sont plus susceptibl­es de voter pour lui que les électeurs de QS.

Le PQ aura intérêt à s’assumer comme un vrai parti nationalis­te. GND l’oblige à renouer avec sa propre base.

Gabriel Nadeau-Dubois (GND) a beau être un gauchiste inflexible, c’est aussi un vrai indépendan­tiste

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