Hydro paiera la ligne aux États-Unis
Selon son partenaire américain, la société d’État déboursera 500 M$ additionnels requis afin d’enfouir les fils
Hydro-Québec s’apprêterait à payer un demi-milliard pour enfouir près de 100 km d’une ligne à haute tension en sol américain, alors qu’elle refuse de faire passer sous terre 18 km de la même ligne au Québec.
Le promoteur américain Eversource, partenaire d’Hydro-Québec, a affirmé à notre Bureau d’enquête qu’Hydro assumerait l’ensemble des coûts de la ligne Northern Pass, soit 2,7 G$. Cette interconnexion de 388 km devrait relier l’Estrie à Deerfield, près de Boston, dès 2019. Sa construction doit débuter l’automne prochain.
Le passage sous-terrain, qui ajoute 500M$ à la facture, permettra de protéger les magnifiques paysages des Montagnes blanches, au New Hampshire. De nombreux citoyens américains le réclamaient. Par contraste, Hydro a refusé d’enfouir une portion de la ligne au Québec.
Avec le Northern Pass, Hydro rêve d’augmenter ses exportations en Nouvelle-Angleterre. Elle a toujours soutenu qu’elle paierait les 618 M$ pour les 80 km de la ligne qui se trouvent au Québec, mais que c’est Eversource, le promoteur américain derrière le projet, qui financerait les 2,1G$ nécessaires pour construire les 308 km aux États-Unis.
CONVAINCUS
Or, sur son site web, Eversource indique qu’il récupérera les montants investis en totalité. Comment? Grâce aux frais de transport qu’Hydro lui paiera pendant 20 à 40 ans pour faire transiter son électricité.
Selon une étude de la réputée firme de consultants Analysis Group que nous avons obtenue hier, ces frais de transport s’élèvent à 5,5 cents du kilowattheure. De quoi remettre sérieusement en question la rentabilité du projet, selon des experts (voir autre texte).
Notre Bureau d’enquête a demandé à Eversource si Hydro lui avait garanti de rembourser l’ensemble des coûts de développement et de construction. La réponse a été claire: «Oui, c’est exact», a répondu Kaitlyn Woods, du service des relations médias.
RENTABLE
Le directeur des communications d’Hydro-Québec, Serge Abergel, n’a pas nié qu’Hydro pourrait effectivement rembourser Eversource grâce aux frais de transport. Il souligne toutefois que la société d’État ne se lancera pas dans le projet sans s’être assurée qu’il soit rentable.
Le porte-parole soutient aussi qu’une partie des coûts pourrait «possiblement» être assumée par des distributeurs d’électricité en Nouvelle-Angleterre, ce qui n’est pas confirmé.
Hydro soumissionnera, dans les prochaines semaines, pour un contrat à long terme d’exploitation de l’interconnexion avec le Massachusetts. Même si Hydro ne parvenait pas à obtenir une entente à long terme, elle pourrait procéder à la construction de la ligne de toute façon, a confirmé M. Abergel.
Concernant l’enfouissement aux États-Unis, M.Abergel affirme qu’Eversource «a pris une décision concernant son domaine de marché». Au Québec, «on doit tenir compte de nos considérations», a-til ajouté, soulignant au passage l’augmentation des coûts de construction, les difficultés d’entretien et la durée de vie d’une ligne de tension souterraine.