Si j’étais ministre de l’Éducation…
Carlos Leitao a réussi à faire passer son message: son budget de mardi était celui de l’espoir retrouvé en éducation.
D’un chroniqueur à l’autre, on l’en félicite. Bravo pour ces millions! On aurait envie de jouer de la trompette avec eux.
Je persiste à croire une chose, toutefois. En éducation, l’argent à lui seul ne fait pas le bonheur.
On aurait beau rajouter mille milliards de dollars par année, sur le plan des principes, il y aurait encore quelque chose de déréglé dans notre système d’éducation.
MISSION
Quoi donc? Notre vision de l’école, justement.
Qu’attendons-nous d’elle? Quelle mission voudrait-on qu’elle joue? Quelle philosophie l’anime? Ce sont des questions essentielles.
Traditionnellement, l’école devait transmettre une culture. Elle devait inscrire les nouvelles générations dans une civilisation et les familiariser avec son histoire, sa géographie, ses grandes oeuvres et ses savoirs fondamentaux.
Elle devait apprendre à lire, à écrire, à parler, et pourquoi pas, à bien parler. Elle devait donner aux jeunes esprits le goût de la culture et du silence méditatif.
L’école a renoncé à cette philosophie. Elle l’a fait sous la double pression de la droite économique et de la gauche politiquement correcte.
La première voulait que l’école forme de futurs travailleurs malléables et adaptés au marché.
La seconde rejetait massivement notre héritage de civilisation. Elle voulait plutôt que l’enfant construise lui-même son propre savoir, sans être «écrasé» par le monde d’hier. Il fallait alors couper les liens avec le passé. Nous avons mutilé les âmes.
Je cède un instant à un fantasme: je m’imagine ministre de l’Éducation.
Je m’efforcerais de rétablir le sens de la transmission culturelle.
Je reconnecterais l’enseignement du français à celui de la littérature.
Je délivrerais l’enseignement de l’histoire du politiquement correct. On y raconterait l’histoire du peuple québécois et de la civilisation occidentale sans cette étrange manie culpabilisante qui pousse la jeune génération au déracinement.
On l’aura compris: mes premières décisions ne seraient pas budgétaires. Je voudrais réformer culturellement l’école. J’y rétablirais le culte du silence, de la concentration.
Chaque jour, les élèves liraient une bonne heure en silence.
À l’école, pas de textos, mais des grands textes.
J’apprendrais aux élèves à admirer les grands ancêtres et les grandes oeuvres. Je leur inculquerais la passion de l’histoire, de la géographie, des sciences naturelles.
RUPTURE
Il y aurait une grande rupture: assez de l’obsession des nouvelles technologies. Assez des nouvelles méthodes pédagogiques où les connaissances sont sacrifiées aux compétences.
Le professeur en pleine maîtrise de sa matière serait de retour. Mais je m’assurerais aussi que les professeurs soient formés en conséquence.
L’école ne traiterait plus les élèves comme des cobayes au service des savants fous du ministère de l’Éducation, mais comme de futurs citoyens appelés à enrichir l’héritage légué par leurs devanciers.
Pour cela, il faut moins des milliards que des idées claires et du courage politique. Ces dernières ressources sont encore plus rares que les milliards.