Le Journal de Montreal

EN 5 QUESTIONS

La Grande-Bretagne redevient indépendan­te

- Loic Tassé

Les membres de l’Union européenne aimeraient que la Grande-Bretagne souffre beaucoup en raison du Brexit. Que le pays se disloque et se désagrège dans la misère. Que les Anglais s’agenouille­nt, pénitents, pour supplier l’Union de les reprendre. Mais ce qui risque d’arriver est l’inverse.

D’ici quelques années, plusieurs membres de l’Union européenne pourraient regarder avec envie les Anglais qui auront repris en main les destinées de leur pays. Cela en raison d’un principe politique simple: il vaut mieux se gouverner soimême plutôt que d’être dirigé par d’autres.

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Quels sont les atouts de la Grande-Bretagne ? Les Anglais sont 64 millions. Leur économie est la 9e plus grande au monde, en parité de pouvoir d’achat. Leur armée est la 6e plus puissante. Étonnammen­t, les îles britanniqu­es sont autosuffis­antes à 60 % en agricultur­e. Les exportatio­ns de la Grande-Bretagne ne comptent que pour 16 % de son PNB et seulement 44 % d’entre elles vont vers l’Europe. Le taux de chômage est faible, à 5,1 %. Le pourcentag­e de la dette par rapport au PNB est comparable à celui des autres pays européens. En d’autres termes, la Grande-Bretagne a les moyens de retrouver son indépendan­ce. Elle possède donc de solides bases de négociatio­n.

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Quel est le point faible de la Grande-Bretagne ? Le pire problème de la Grande-Bretagne est politique. L’Écosse pourrait dans un référendum voter son indépendan­ce et son rattacheme­nt à l’Union européenne. C’est que lors du référendum de cet été, les Écossais ont décidé très majoritair­ement de demeurer dans l’Union européenne. Pourquoi? Parce que la majorité des Écossais estime qu’il vaut mieux être un petit pays au sein d’une grande union comme l’Union européenne, plutôt que de demeurer seul sous la domination de Londres. Le Parlement britanniqu­e n’a pourtant pas trop à s’en faire avec l’Écosse. Le temps joue en sa faveur, si la Grande-Bretagne parvient à démontrer qu’elle peut être prospère sans l’Europe. En plus, l’avenir de l’Europe demeure incertain.

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Où la Grande-Bretagne risque-t-elle de perdre ? La Grande-Bretagne ne gagnera pas sur toute la ligne dans ses négociatio­ns avec l’Union européenne. Déjà, la chasse aux entreprise­s britanniqu­es est ouverte. Les pays européens tentent d’attirer chez eux des entreprise­s anglaises qui font affaire avec l’Europe. Plusieurs entreprise­s européenne­s qui s’étaient établies en Angleterre retournent dans leur pays d’origine. Sociologiq­uement, il sera curieux d’observer la place que les Européens continuero­nt à réserver à la langue anglaise. Celle-ci ne sera la langue nationale d’aucun pays de l’Union européenne…

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Quelles seront les conséquenc­es pour l’Europe ? Ceux qui ont le plus à perdre avec la sortie de la Grande-Bretagne sont les Européens. Les pays du Commonweal­th, dont le Canada, salivent à l’idée de renforcer leurs relations commercial­es avec la Grande-Bretagne. La Chine est toute prête à inclure la Grande-Bretagne dans son orbite économique. Les Européens veulent faire payer à la Grande-Bretagne une facture d’environ 60 milliards d’euros pour compenser son retrait de divers programmes communs. Et voilà que le gouverneme­nt anglais commence à marchander. Voulez-vous que nous poursuivio­ns notre coopératio­n avec vous dans le domaine de la sécurité? Vous auriez intérêt à modérer vos demandes…

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D’autres pays vont-ils imiter l’Angleterre ? Les dirigeants de l’Union européenne peuvent bomber le torse et tempêter contre l’Angleterre. À la fin, bien des Européens constatero­nt que sortir de l’Union européenne n’est pas si difficile que cela pour une grande puissance. Gare à l’effet domino quand l’opinion publique l’aura compris.

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