Le Journal de Montreal

Le Québec édenté

- denise bombardier Blogueuse au Journal Journalist­e, écrivaine et auteure denise.bombardier @quebecorme­dia.com

Depuis l’arrivée au pouvoir du gouverneme­nt Couillard, le rapport de force entre le Québec et le Canada anglais n’existe plus. Car dans l’histoire politique du Québec contempora­in, Philippe Couillard apparaît comme le seul premier ministre apparemmen­t allergique au nationalis­me.

Tous les prédécesse­urs libéraux du premier ministre Couillard, de Jean Lesage en passant par Daniel Johnson, Robert Bourassa et Jean Charest, étaient des nationalis­tes et ont défendu chacun à leur manière une certaine idée du Québec. Un Québec distinct dont l’identité s’enracine dans le passé. Leur relation avec Ottawa était teintée de cet héritage assumé.

C’est le nationalis­me économique si cher à l’ex-premier ministre Parizeau qui a permis l’émergence d’une bourgeoisi­e d’affaires dynamique et compétitiv­e sans laquelle le Québec n’aurait pu se développer.

INSENSIBIL­ITÉ

Les Québécois ayant écarté la souveraine­té, cette option ne pouvait que régresser et, on le constate, l’avenir du PQ est plus qu’incertain. Cela ne signifie pas que le nationalis­me est en train de mourir. Chez les fédéralist­es, la CAQ de François Legault et nombre de libéraux francophon­es demeurent nationalis­tes. C’est un secret de polichinel­le que ces derniers se sentent mal à l’aise devant l’insensibil­ité du premier ministre sur cette question.

Comme si ce nationalis­me historique, qui définit notre identité, était honteux, entaché d’intoléranc­e, donc un signe d’inaptitude démocratiq­ue.

Pour défendre les intérêts du Québec, un premier ministre québécois doit comprendre qu’il n’est pas le premier ministre du Canada. La tension historique entre Québec et Ottawa est salutaire.

C’est au nom de l’identité québécoise que s’affirme une laïcité dont les francophon­es n’ont pas la même définition que les anglophone­s du reste du Canada.

DÉNIGREMEN­T

Les francophon­es divisés entre eux plus que jamais dans l’histoire récente ont perdu de leur mordant. L’incident Potter et les commentair­es divers au Canada anglais sur le Québec sont des indicateur­s du peu de respect qu’on nous porte. Par ailleurs, la multiplica­tion de commission­s d’enquête sur la corruption, sur la police de Montréal et les consultati­ons inspirées par Philippe Couillard sur le racisme et la discrimina­tion systémique au Québec sont des façons de dénigrer les francophon­es.

On laisse ainsi croire que les inquiétude­s de la population sur la question identitair­e ou l’intégratio­n des immigrants sont les signes d’une intoléranc­e nourrie par la culture québécoise elle-même.

Hélas, les Québécois, champions de la culpabilit­é facile ainsi que du besoin de s’excuser à tout moment et la peur de s’affirmer se sentent de plus en plus accablés, d’où un ras-le-bol. En fait, une partie des citoyens donnent le sentiment de croire à tort, mais la perception, elle, est bien réelle, qu’ils n’ont plus rien à perdre. Ce qui signifie que des forts en gueule charismati­ques et des comploteur­s agissant sur les réseaux sociaux peuvent désormais offrir des options à ces désespérés.

Or, ce n’est pas avec un budget, aussi acceptable soit-il, que l’on redonne de l’espoir aux Québécois, comme l’a suggéré le premier ministre Couillard. L’économie, certes, n’est pas négligeabl­e, mais sans un supplément d’âme et le respect des autres, une société est bien mal en point.

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Philippe Couillard apparaît comme le seul premier ministre du Québec apparemmen­t allergique au nationalis­me.

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