Le Journal de Montreal

Penser pareil, c’est moins dur

- Lise.ravary@quebecorme­dia.com @liseravary

J’ai attendu que passe la tempête avant de commenter l’essai d’Éric Duhaime – un ami, transparen­ce oblige – sur l’homosexual­ité au Québec. J’ai eu raison: l’orage a été tout aussi, sinon plus, révélateur que les propos réjouissan­ts de l’auteur.

Ne pas être gay ne devrait empêcher personne de lire La fin de l’homosexual­ité et le dernier gay. Bien au contraire.

Éric Duhaime, éternel pourfendeu­r de la «victimite» chère aux Québécois, confirmée par Jean-Marc Léger dans

Le code Québec, y traite moins de préférence­s sexuelles que de notre manière exemplaire d’aborder la différence. Sauf quand il s’agit d’opinions. (Dois-je préciser que chez l’adulte, être l’ami de quelqu’un ne veut pas dire que l’on est toujours d’accord, parce que l’amitié, comme l’amour, est tout d’abord une rencontre des coeurs?)

PAS D’ACCORD

Si l’intoléranc­e routinière des homosexuel­s est aussi inexistant­e au Québec que la culture du viol et le racisme systémique que notre premier ministre essaie de nous enfoncer dans la gorge, je crois Éric un tantinet trop optimiste, notamment sur le féminisme, du moins à l’échelle de l’Amérique.

Comme plusieurs, j’ai été choquée jusqu’à la moelle la semaine dernière par cette photo montrant le vice-président américain Mike Pence avec une cinquantai­ne d’hommes (seulement) discutant de l’abolition de la couverture des soins maternels dans le cadre de la réforme de l’Obamacare.

Imaginez une salle remplie exclusivem­ent de femmes qui parlent de retirer les traitement­s contre le cancer de la prostate du panier de services assurés parce que ça ne les concerne pas…

Pardon, je digresse. Mais il fallait que ça sorte.

D’ACCORD

Éric Duhaime a droit à ses opinions parce qu’il exerce son droit de vivre en homme libre, dans le respect des lois. Les deux sont indissocia­bles et inaliénabl­es.

Pas pour tous: un chroniqueu­r bienpensan­t de La Presse a poussé l’injure jusqu’à l’accuser de ne pas être un vrai gay. Autrement dit, «je n’aime pas ta pensée, je te retire la liberté d’exister».

En comparaiso­n, Éric, libertarie­n dans l’âme, accepte qu’une personne puisse être homophobe, tout en se gardant le droit de mépriser cette attitude.

Cette question m’interpelle depuis longtemps: doit-on se faire violence tous les matins pour aimer tout le monde?

Peut-on ne pas aimer une culture ou une religion, à condition de ne pas agir de manière discrimina­toire et de ne pas encourager la haine, ce qui est et doit demeurer illégal? Tant qu’on accepte que des opinions controvers­ées, voire choquantes, soient malmenées, pourquoi serait-il interdit d’en débattre?

Il pousse au Québec – et encore plus au Canada anglais, comme l’a démontré la motion contre «l’islamophob­ie» – un chiendent asphyxiant de liberté, plus à gauche du jardin qu’à droite, qui devrait sonner des cloches. Mais qui, étrangemen­t, nous rassure davantage sur notre capacité de vénérer un vivreensem­ble bavard mais trop souvent mensonger.

Quand Éric Duhaime défend l’authentiqu­e tolérance de la différence par les Québécois, telle qu’il la perçoit, les bonzes médiatique­s qui voient les choses autrement aimeraient mieux qu’il se la ferme.

Paradoxal, non?

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LISE RAVARY Blogueuse au Journal Communicat­rice, journalist­e et chroniqueu­se

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