Une buanderie en a contre les salaires dérisoires des détenus
Un entrepreneur dénonce le travail des détenus fédéraux qui, payés 6 $ par jour, créerait une «concurrence déloyale» avec le secteur privé.
«Sans dévaloriser la réhabilitation, des détenus pourraient faire perdre des emplois à d’honnêtes travailleurs», peste Pierre Ferron, de Buanderie Blanchelle.
Sa compagnie embauche 260 employés, mais depuis que l’État peut soumissionner dans des appels d’offres, il dit risquer de devoir supprimer des emplois.
«Je paye mes employés 16 $ l’heure, comment est-ce possible d’être concurrentiel contre des rémunérations de 6 $ par jour?» demande-t-il.
PAS MOINS CHER
Malgré cette disparité dans les salaires, les différences de prix ne sont pas majeures, s’étonne M. Ferron. «Corcan [le programme de travail des détenus] soumissionne juste en dessous et pourtant, sa main-d’oeuvre ne coûte rien», affirme-t-il.
Dans des documents publics du gouvernement provincial, on peut voir que Corcan a gagné un appel d’offres de 1,5 million $ en septembre dernier en soumissionnant juste au-dessous.
Questionné par Le Journal, Services correctionnels Canada a expliqué que malgré les salaires des détenus, les coûts ne sont pas moins élevés qu’au privé.
La porte-parole Julia Scott cite en exemple les dépenses supplémentaires comme le salaire des instructeurs et les mesures de sécurité.
FAIBLE PRODUCTIVITÉ
En plus de devoir couvrir certains coûts plus élevés par rapport au privé, la productivité est aussi plus basse, expliquent les services correctionnels.
C’est qu’il faut former au travail de blanchisserie des détenus qui ne resteront pas forcément sur une longue période. Le taux de rotation est donc élevé, sans compter les fermetures pour raisons de sécurité.
«Le tout fait en sorte que le coût complet d’opération n’est pas moins élevé que dans le secteur privé», explique Julia Scott, tout en rappelant l’objectif de réhabilitation des détenus.
Mais ce qui agace M. Ferron, c’est que Corcan ne semble pas être en mesure de répondre à la demande. Ainsi, Corcan se voit parfois obligé de sous-traiter le travail au privé.
Les services correctionnels font alors appel aux entreprises qui avaient perdu les appels d’offres.
«Quand un fournisseur ne peut pas fournir le service, il ne devrait pas pouvoir soumissionner», peste-t-il.
Les détenus, de leur côté, s’indignent de leur salaire et certains parlent même de «travail forcé».
Ils se sont récemment adressés à la Cour fédérale afin de forcer le gouvernement à hausser leur rémunération à environ 12 $ par jour.
Après trois jours d’audience, le magistrat a pris la cause en délibéré.
« Je paye mes employés 16 $ l’heure, comment est-ce possible d’être compétitif contre des rémunérations de 6 $ par Jour ? » – Pierre Ferron